La région autour de la deuxième ville du canton, Yverdon-les-Bains, a suivi sa propre trajectoire de développement.

DANS LE CANTON 21 mai 2019
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AggloY, ou comment recentrer le Nord

Avec un taux de croissance démographique parmi les plus hauts du canton et de Suisse, la région d’Yverdon-les-Bains – et dans son sillage le district Jura-Nord vaudois – s’affirme entre l’Arc lémanique et le Plateau. S’il fallait trouver une référence ou une image pour symboliser cette région, ce pourrait être aussi son rôle de pivot aux niveaux cantonal, suisse ou transfrontalier.

Et quoi de mieux pour asseoir son statut de pôle régional qu’un centre fort et organisé? C’est l’une des bases d’AggloY, un projet d’agglomération lancé en 2005. Il regroupe huit communes, dont celle qui est plus que jamais la deuxième ville du canton, et répond aux exigences posées par la Confédération pour pouvoir prétendre à ce titre aux soutiens qui lui sont liés.

«Les acteurs économiques sont désormais très mobiles. Pour les convaincre de rester et de s’installer durablement dans la région, il est crucial d’agir sur le cadre de vie, sur le territoire», résume Sébastien Genoud, responsable du Bureau d’agglomération. À AggloY de planifier et de coordonner le développement des infrastructures nécessaires à la satisfaction des besoins des habitants, mais aussi des entreprises et autres utilisateurs du territoire.

Des transports à la LAT

Entre les communes, il a d’abord été question de transport – que ce soit l’aménagement de pistes cyclables ou l’agrandissement de la gare de Grandson. Il a aussi été question de planifier une offre de commerces complémentaire entre le centre et la périphérie, afin d’éviter d’affaiblir le tissu commercial du centre-ville. Sans même parler du maintien de l’attractivité pour les entreprises via la mise à disposition de zones d’activité adaptées. Des exemples? Y-Parc grandit et joue pleinement son rôle d’aimant pour tout ce qui est lié à l’innovation au sens large, tandis que La Poissine est destinée à offrir des locaux aux activités nécessitant une desserte ferroviaire. Aujourd’hui, AggloY est également aux prises avec la mise en œuvre de la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire (LAT) et la très forte coordination entre les différentes politiques publiques que celle-ci exige désormais. La gestion du territoire est d’autant plus importante que la région est l’une des plus dynamiques du canton.

De moins de 60 000 en 1981, le Jura-Nord vaudois comptait environ 92 000 habitants en 2018. Statistique Vaud estime que le district regroupera entre 107 000 et 113 000 personnes à l’horizon 2040. Certes, la croissance démographique de la région s’affiche légèrement en dessous de celle de ses voisins, le Gros-de-Vaud ou la Broye-Vully, mais, sur dix ans, de 2009 à 2018, elle est légèrement plus élevée que celle de l’ensemble du canton (+15,3% contre +13,9%). Étant le troisième district le plus peuplé du canton, le Jura-Nord vaudois est ainsi l’un des principaux contributeurs à la croissance de la population vaudoise. Yverdon-les-Bains est l’un des moteurs de ce développement: le chef-lieu du district a passé la barre des 30 000 habitants en 2015.

La construction suit

Selon l’Office fédéral de la statistique, les nouveaux arrivants proviennent majoritairement de l’étranger (55% de la hausse de la population entre 2000 et 2017) ou d’autres communes vaudoises (30%). La construction a suivi cette évolution. Depuis le début des années 2000, la production de logements a d’abord concerné essentiellement les immeubles locatifs. Ensuite, les ensembles de PPE ont pris le relais, avant de céder en 2016 la priorité aux locatifs.

Comme l’évolution démographique, le taux de construction n’est pas le même dans tout le district. Les zones les plus recherchées, outre celles aux environs des centres, se situent le long des principales lignes ferroviaires et routes: par exemple Yverdon-les-Bains, Orbe ou Chavornay.

À la Vallée de Joux, la situation pourrait se résumer ainsi: quand l’horlogerie va, tout va. Conséquence de cette nouvelle offre, le taux de vacance est remonté à 1,1%. Il reste cependant éloigné du seuil de 1,5% considéré comme correspondant à un marché équilibré. Historiquement, il est plus élevé dans le Jura-Nord vaudois que dans le reste du canton qui est, lui, fortement influencé par la situation qui prévaut sur l’Arc lémanique.

Le développement des transports a naturellement joué un rôle clé dans l’expansion de la région. Au fil des ans, le bassin lémanique s’est rapproché du district avec la construction de l’autoroute au début des années 1980, puis dès 2001, son prolongement jusqu’à Morat. Les passages quotidiens sur l’autoroute à l’entrée d’Yverdon-les-Bains ont bondi de 35% entre 2004 et 2017. Le Jura-Nord vaudois a également été recentré par le développement des trains ICN vers Genève, soit la possibilité de se rendre en train dans le bassin d'emplois genevois en moins d’une heure. Une desserte qui a été étoffée par l’extension du RER vaudois jusqu’à Grandson.

Bien reliée au sud, la région est d’autant plus intéressante que son marché immobilier s’avère plus abordable pour les personnes et les ménages qui peinent à trouver des logements sur l’Arc lémanique. Certes, cette demande de logements en propriété individuelle a également poussé les prix à la hausse dans le district, mais ils restent environ 20% en deçà de la moyenne cantonale.

Pendularité de et vers le district

Alors, le Jura-Nord vaudois, repaire de pendulaires? «Non, le développement est hybride», explique Sébastien Genoud. «L’agglomération yverdonnoise recueille une partie de la croissance démographique liée au dynamisme du bassin lémanique où l’offre de logements a longtemps été insuffisante. Après un boom dans les années 2009-2011, nous avons ainsi observé un tassement de la croissance démographique ces trois ou quatre dernières années, sans doute en lien avec le fait que l’on construit suffisamment de logements dans le sud-ouest du canton et particulièrement dans l’Ouest lausannois.» Mais «nous constatons aussi un développement lié au fait qu’AggloY est une région disposant d’un écosystème d’affaires très complet, dans lequel l’emploi et la gamme de services proposés, formation comprise, sont diversifiés et de qualité. Cela en fait une région très attractive, en particulier pour les familles». Et Sébastien Genoud de poursuivre: «l’une des preuves est que, même si un mouvement vers le sud se dessine clairement, la pendularité est observée dans les deux sens, vers Yverdon-les-Bains et en partant d’Yverdon-les-Bains, que ce soit sur l’autoroute ou à la gare».

Venir s’établir dans le nord est ainsi d’autant plus porteur que la région est aussi un pôle d’emplois. Entre 1995 et 2016, alors que le nombre d’habitants augmentait de 31,2%, les emplois, eux, progressaient plus rapidement, de 35,1%. Un taux de croissance inférieur à celui des districts de la Côte, mais supérieur à celui du canton (34,3%). Le phénomène s’est même accentué entre 2011 et 2016, puisque le Jura-Nord vaudois a vu le nombre des emplois exprimés en équivalents plein temps progresser de 11,2%, contre 9,4% sur le plan cantonal. Au-delà de ce dynamisme, la particularité de ce district réside dans la structure de ses emplois, qui repose notamment sur une forte croissance du secteur secondaire. Entre 1995 et 2016, les emplois industriels ont bondi de 45,3% dans la région, alors que, sur le plan cantonal, la progression s’arrêtait à 6,6%. Et si la croissance est moins forte entre 2011 et 2016, la contribution de la région à la création d’emplois industriels du canton reste prééminente.

De prime abord, cette constatation n’est pas si surprenante, puisque le Jura-Nord vaudois est réputé pour ses montres et sa mécanique de précision. Mais la croissance de l’emploi industriel dans la région s’étend bien au-delà des hauteurs jurassiennes. Elle concerne particulièrement la région yverdonnoise ainsi que le pôle Orbe-Chavornay. Et elle se caractérise par une diversification dans d’autres secteurs industriels, comme l'alimentaire ou la chimie. Elle est aussi accompagnée par le développement des services.

Besoin de zones à bâtir

Ces mutations confirment la nécessité d’ancrer un tel développement afin d’en assurer la pérennité. «Le prix du terrain et des locaux doit ainsi rester abordable pour les entreprises du secondaire malgré la pression toujours plus forte des autres activités, notamment les commerces, qui ont également besoin de nouveaux espaces», donne comme exemple Sébastien Genoud. Mais le gros défi pour

AggloY réside dans la faiblesse des réserves de zones à bâtir pour assurer une offre de logements qui corresponde aux objectifs de développement du Canton. AggloY doit ainsi être en mesure d’accueillir environ 11 000 nouveaux habitants dans les quinze prochaines années. Or, les développeurs doivent compter avec plusieurs contraintes.

La région yverdonnoise est entourée de zones de cultures céréalières ou maraîchères, soit autant de surfaces d’assolement ou de terres convenant le mieux à l’agriculture. «Cette situation a exigé une vision intercommunale claire à l’échelle de l’agglomération afin de pouvoir justifier, sous l’angle de la préservation des bonnes terres agricoles à l’échelle du canton, le développement de nouveaux secteurs en extension du tissu bâti existant», souligne Sébastien Genoud.

«À terme, l’objectif est d’atteindre un niveau de coordination et de cohérence suffisant entre les différentes politiques publiques en jeu (protection des sols agricoles, dimensionnement de la zone à bâtir, offre de terrains industriels), afin de permettre l’émergence d’un cadre clair et stable sur la durée, condition indispensable pour offrir un environnement de travail serein aux développeurs. C’est bien là le cœur des enjeux liés à la mise en œuvre de la LAT. La Suisse orientale et le canton de Zurich sont sans aucun doute un exemple à suivre dans ce domaine.»

Une région dynamique

Qui se promène aujourd’hui à Yverdon-les-Bains et dans sa région ne peut que constater cette dynamique. Les travaux d’AggloY se traduisent par l’émergence de chantiers importants et par la transformation de quartiers. La densification exigée par la LAT pour éviter le mitage du territoire est visible. Et le travail ne fait que commencer. Il sera accompagné par d’autres projets d’infrastructures, comme la halte RER prévue à Y-Parc.

La création d’un centre fort autour du chef-lieu n’est pas sans incidence pour l’ensemble du district, même s’il comprend des dynamiques économiques différentes. «Le renforcement d’AggloY doit permettre au Nord vaudois de s’affirmer en tant que région distincte et de sortir de l’identification associée uniquement à l’Arc lémanique ou à l’Arc jurassien», relève ainsi le Plan directeur régional du Nord vaudois dans son diagnostic territorial. Mais afin que le Jura-Nord vaudois puisse jouer son rôle au niveau national, son développement passe également, poursuit le rapport, par le renforcement à l’intérieur du district de centres régionaux pour assurer une qualité de vie et de développement économique la plus uniforme possible.

Davantage de petits appartements


Comme dans le reste du canton, la typologie des logements a fortement évolué dans le district du Jura-Nord vaudois. Dans les appartements en PPE et locatifs, la part des 1 et 2 pièces augmente alors que celle des 3, 4, 5 et 6 pièces diminue. L'une des explications réside dans la demande de petits logements, notamment à Yverdon-les-Bains, dans un district où la part de ces petits logements était inférieure à la moyenne cantonale.

Une autre raison se situe dans le niveau des prix. Entre 2002 et 2014, si les prix des transactions de base pour un appartement en PPE ont quasi doublé, le revenu médian de la population du district n'a, quant à lui, progressé que de 18%. Pour un même budget, il faut ainsi consentir à réduire la surface du bien à acquérir. Les constructions de villas sont, elles, stables, voire en léger recul depuis 2017. Conséquence: alors que le district compte davantage de propriétaires que la moyenne cantonale, un ménage sur trois contre un sur quatre, le pourcentage a légèrement reculé alors qu'il augmentait légèrement dans le canton. Le niveau des prix joue un rôle, tout comme la nouvelle organisation territoriale en Suisse. La diminution des espaces constructibles conduit également à une augmentation de la destruction de villas. Ainsi, 24 maisons ont été détruites entre 2009 et 2013 et 72 entre 2014 et 2018. Le chiffre absolu en dit moins que la croissance, soit 200%, alors que, sur l'ensemble du canton, elle était de 27%.