Répondant aux questions du public présent à Lausanne sur les taux négatifs, Andréa M. Maechler a répété que la BNS est «consciente que la situation est difficile pour certains, mais si les taux étaient plus élevés, l’économie suisse irait plus mal».
Prix élevés, taux de vacance qui croît et production en hausse, le cocktail n’est pas soutenable dans le segment de l’immobilier résidentiel, a rappelé Andréa M. Maechler, membre de la direction générale de la Banque nationale suisse lors de la manifestation Les Professionnels de l’Immobilier organisée le 3 avril par la BCV.
«Des déséquilibres se sont accumulés sur le marché de l’immobilier résidentiel». Andréa M. Maechler s’est faite la porte-parole, le 3 avril à Lausanne, des préoccupations de la Banque nationale suisse (BNS). Membre de la direction générale de l’autorité garante de la stabilité des prix, elle a réitéré que des «mesures étaient nécessaires». Lors des Professionnels de l’Immobilier, manifestation organisée par la BCV, elle a en outre rappelé que depuis 2012 un certain nombre d’initiatives avaient été prises pour contrer tout risque d’embrasement du marché immobilier suisse. Des mesures d’autorégulation des banques, mais aussi des mesures initiées par la BNS, comme l’activation du volant anticyclique de fonds propres. Quel est le remède à la situation actuelle?
La BNS souhaite des mesures ciblées dans l’octroi des prêts portant sur des objets résidentiels de rendement. Elles pourraient être mises en œuvre au moyen d’une nouvelle révision des directives d’autoréglementation ou de changements dans la réglementation. Comme en 2012 et 2014. Un message qu’a également émis le gendarme des marché financier, la FINMA.
Elle a rappelé qu’en Suisse, le taux d’endettement hypothécaire se montait à 145% du PIB. «Nous sommes en tête de peloton, comme souvent, mais là cela pose un problème». Et de poursuivre: «dans l’immobilier résidentiel, le ratio entre les prix des transactions et les loyers évolue à plus de 30% de sa moyenne à long terme». Une situation qui prévaut depuis 2015 et qui dure. «Le risque d’une correction des prix dans ce segment est d’autant plus élevé que les taux de vacance sont en hausse et que les banques prennent davantage de risques dans l’octroi de crédits».
Comment est-on arrivé à cette situation? La membre de la direction générale de la BNS a souligné que ces avertissements intervenaient dans un environnement général de taux bas. «Un phénomène mondial et progressif», a insisté Andrea M. Maechler. La courbe des rendements des obligations d’État à 10 ans est explicite: une tendance à la baisse plus ou moins forte selon les États, mais une tendance claire qui remonte à bien avant la crise de 2008 et les politiques non conventionnelles des banques centrales. Cette baisse, qui se dessine depuis les années 1980, contient ainsi des éléments structurels comme le vieillissement de la population ou le ralentissement de la croissance.
Dans ce contexte, la BNS peut «ajuster certains cycles», mais n’a pas toutes les solutions entre ses mains. Une partie relève du monde politique. Et de resituer le contexte de prise de décision de la BNS. «Nous sommes appelés à prendre des décisions fonctionnelles dans le cadre de notre mandat».
Et s’il y a une décision qui continue de diviser, c’est bien celle des taux négatifs. Nombreuses ont ainsi été les questions relatives à cette situation qui s’éternise. Andréa M. Maechler a rappelé le pourquoi de l’introduction de cette mesure. Soit la nécessité de maintenir un écart entre les taux suisses et internationaux – notamment européens – afin que le franc ne s’avère pas trop attirant pour les investisseurs. Depuis 2015, «nous avons montré que nous étions prêts à intervenir afin de garder des conditions monétaires adéquates».
En toile de fond: la stabilité des prix. Et donc les conditions économiques générales. Elle a rappelé en substance qu’une telle décision relevait d’une pesée d’intérêts globale, soit la prise en compte de tous les secteurs sur le long terme. «Nous sommes conscients que la situation est difficile pour certains, mais si les taux étaient plus élevés, l’économie suisse irait plus mal». Pas question donc de se laisser entraîner dans le rôle d’arbitre d’un match caisses de pensions contre exportateurs.
Dans ce contexte, pourquoi la mesure de l’inflation est-elle si importante? «La stabilité des prix est la seule manière de garder la fortune, la valeur de l’épargne en Suisse». Et dans son dernier point de situation macroéconomique, la BNS a revu à la baisse ses prévisions. «La dynamique qui soutient l’inflation est trop faible», a-t-elle insisté en rappelant que les récents mouvements haussiers dépendaient davantage de la composante externe de l’indice des prix à la consommation, soit les fluctuations des prix du pétrole et des devises, que de la composante interne, qui, elle, restait étonnamment stable malgré un marché du travail solide.
L’emploi reste la bonne nouvelle de la situation économique actuelle. Sa force n’est par ailleurs pas le seul apanage de la Suisse, mais se constate aussi ailleurs, que ce soit aux États-Unis ou même en Europe. Pour la BNS, l’économie suisse devrait croître de 1,5% cette année. «Nos prévisions sont légèrement plus optimistes que d’autres». Un ralentissement après les 2,5% de 2018. Mais ce niveau «était au-delà du potentiel de l’économie suisse et donc pas soutenable à long terme». Une croissance moins forte, mais «qui reste solide».
Anne Gaudard, rédactrice, BCV