Le futur du marché de l'électricité se prépare sous haute tension.
La libéralisation du marché de l’électricité en Suisse devait entrer en vigueur le 1er janvier 2018. Reportée par le Conseil fédéral, elle est pourtant effective chez nos voisins européens depuis quelques années déjà. Ainsi, cela fait quelques mois qu’à coups d’offres publiques d’achat (OPA), amicales ou hostiles, certains mastodontes du secteur préparent le futur d’un marché sous haute tension.
Le roi français de l’or noir n’en finit plus de passer à l’offensive. Après l’acquisition d’un fabricant de panneaux solaires, de batteries, puis de l’opérateur belge de gaz et d’électricité Lampiris, c’est désormais à Direct Energie de faire les frais de la soif d’expansion de la major du pétrole. L'opération, qui s’est faite au prix de EUR 42 par action la semaine dernière, valorise la cible 12,5 fois son excédent brut d’exploitation: c’est cher payé. En Allemagne, le mouvement s’est amorcé l’année dernière déjà avec l’accord conclu entre les énergéticiens Eon (50 millions de clients) et RWE.
Avec 23 fournisseurs d’électricité sur un marché hexagonal toujours dominé à 85% par l’opérateur historique EDF, la vague de concentration devrait se poursuivre. Pour autant, avec cette opération, le patron du groupe pétrolier Total table sur plus de six millions de clients privés d’ici à 2022, ce qui ferait passer la part de marché du groupe de 7% à 15%.
Après le refus en votation populaire de la loi générale en 2002 et l’adoption d’une loi sur l’approvisionnement en 2007, l’ouverture du marché a été initiée deux ans après pour les gros consommateurs (plus de 100 000 KWh par an). Pendant ce temps, afin de devenir moins dépendants des fluctuations du marché de l’électricité, les producteurs et distributeurs d’énergie ont cherché à diversifier leurs activités. Ces derniers se livrent désormais une véritable guerre pour acquérir des sociétés présentes dans les techniques du bâtiment. La concentration du marché touche aussi la Suisse romande. Pour preuve, les récentes acquisitions de Romande Energie et du bernois BKW. Côté romand, PolyForce et Neuhaus Energie sont passés sous pavillon vaudois. Outre-Sarine, le bernois s’est offert LAMI, Bugnard et Raboud Energie. Aujourd’hui, le marché suisse est au milieu du gué. Va-t-il suivre le chemin de son voisin européen ou créer son propre modèle?
Publié dans le commentaire hebdomadaire "Matinale Express - Actions étrangères" de la salle des marchés de la BCV le 23 avril 2018