Certaines obligations n’ont pas pu garantir à tout moment une liquidité suffisante.
Lorsque la pandémie a commencé à secouer l’économie et les marchés financiers du monde entier en mars dernier, les régulateurs ont essayé de s’expliquer la rapidité de la crise de liquidité frappant les obligations à taux fixe en l’espace de quelques semaines. Les autorités compétentes ont conclu que la cause principale de ce manque soudain de liquidité était à attribuer aux ventes massives des obligations par des gestionnaires de fonds, destinées à satisfaire les demandes des clients souhaitant désinvestir au pic de la crise.
Au lendemain de la crise financière de 2008, les autorités monétaires et les autres gardiens de la stabilité des systèmes financiers s’étaient focalisés sur le renforcement du système bancaire sans prendre en compte d’autres facteurs de risques importants. En particulier, ils n’ont pas encore trouvé une solution pour la gestion de l’écart entre la liquidité réelle des obligations détenues en portefeuilles de gestion et la nécessité de pouvoir rembourser les clients à leurs demandes. Cette situation pose un réel dilemme dans un contexte de turbulence tel que celui que nous vivons aujourd’hui. Comme nous avons pu l’observer en mars, la nécessité de liquider les actifs a engendré une spirale négative où les prix ont continué de baisser fortement là où, en pratique, il n’y avait plus de contreparties professionnelles disponibles pour des rachats.
Lorsque les marchés financiers ont subi leur plus grand test de résistance depuis plus d'une décennie en mars, certaines obligations, dont les plus liquides au monde, n’ont pas pu garantir à tout moment une liquidité suffisante. La Banque d'Angleterre, par exemple, a estimé que l'écart entre les prix d’achat et de vente des bons du Trésor américain à 30 ans a été décuplé en mars. Le choc pour les obligations d’entreprises a été encore plus fort lorsque les fonds d’investissement ont vendu massivement afin de pouvoir répondre aux demandes des clients, malgré l’absence de contreparties disponibles à acheter cette classe d’actifs. Ce n’est que par l’intervention des banquiers centraux qu’une crise plus profonde des marchés financiers a pu être évitée.
Une solution pourrait être mise en place par les autorités compétentes, afin d’améliorer la situation: celle de forcer les gestionnaires d’actifs à renoncer à leurs engagements à autoriser des retraits quotidiens dans la plupart de leurs lignes d’investissements (ce qui se fait déjà pour certaines classes d’actifs, comme les fonds immobiliers). Ce point avait déjà été mis en exergue l’année dernière lorsque le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, avait déclaré que « les fonds reposent sur la fausse assomption qu’il soit possible de garantir une liquidité quotidienne pour des actifs qui, fondamentalement, ne sont pas liquides ». À ce jour, aucune banque centrale ni aucune autorité financière n’a encore décidé de prendre le taureau par les cornes en mettant en place ce type de réforme. Du moins jusqu’à la prochaine crise.
Par Tiziana Durante, BCV
Publié dans le commentaire hebdomadaire "Matinale Express - Actions" de la salle des marchés de la BCV le 1er décembre 2020