Le marché des fonds immobiliers peut compter cette année encore sur des fondamentaux solides.

MARCHÉS 16 février 2024

Le ciel s'éclaircit pour les fonds immobiliers

Le rebond de fin 2023 a remis en lumière le potentiel de cette classe d’actif. Tous les secteurs n’ont cependant pas évolué de la même manière. 

Après la chute, la consolidation, le renouveau de l’immobilier indirect? C’est ce que laisse à croire l’incroyable rebond du marché suisse en fin d’année. Après un exercice historiquement faible en 2022, l’indice des fonds immobiliers cotés suisses (SWIIT) a en effet progressé de 5% en 2023, grâce à sa seule performance de décembre, fruit de la baisse des taux longs agrémentée d’effets saisonniers. Quant à 2024, elle commence également sur une tonalité positive, avec une progression de 2,4% depuis le début de l’année. La solidité des fondamentaux demeure, mais trois thèmes doivent être évalués pour le positionnement de son portefeuille: les effets encore à venir de la hausse des taux sur le coût de la dette et les valeurs nettes d’inventaire, la fusion UBS-Credit Suisse ainsi que la défiance du marché envers l’immobilier commercial.

Valorisations des immeubles en baisse

Depuis 2022, la hausse des taux n’est pas restée sans conséquence. Et le mouvement n’est pas terminé alors que l’on évoque déjà un prochain relâchement des politiques monétaires. Le relèvement du coût de l’argent entraîne la hausse des taux d’actualisation, une des données clés de la mesure des valeurs nettes d’inventaire (VNI). Le mouvement de baisse de la valorisation des immeubles devrait rester limité dans le résidentiel suisse, mais il se fait sentir dans le commercial. S’il fallait déceler un avantage à cette situation, il réside dans le fait qu’une grande partie de cette réévaluation est déjà intégrée dans les valorisations du secteur commercial, qui pourrait approcher de son point de rebond. Surtout que la pression à la baisse sur les VNI devrait s’atténuer avec la détente attendue sur les taux.

Autre incidence de ce changement de paradigme, le coût de la dette a presque doublé depuis la fin 2022. Mais à 1,1% en moyenne à fin 2023, il reste bas en comparaison historique. Le niveau moyen de cette dette a, lui aussi, progressé. À 25% en moyenne, contre 22,5% à fin 2022, il demeure néanmoins en-deçà de la limite de levier financier réglementée à 33% pour les fonds immobiliers. Cela dit, associée au recul des valorisations, la hausse des charges de la dette pourrait pousser le ratio d’endettement au-delà du seuil accepté. Les solutions pour les fonds potentiellement concernés? Augmentation de capital ou vente d’immeubles. Or, comme l’a démontré l’atonie du marché l’an dernier, l’heure n’est guère favorable à la levée de fonds.

Revenus solides

Dans les portefeuilles, la baisse des VNI peut encore être partiellement compensée par la solidité des revenus. Ils sont soutenus par l’indexation contractuelle des loyers dans l’immobilier commercial et par la hausse attendue du taux de référence pour le marché résidentiel – le système de lissage le faisant encore progresser alors que les taux du marché stagnent ou baissent. Il devrait rapidement atteindre 2,00% cette année. Avec un rendement au dividende proche de 3%, l’immobilier indirect garde son avantage comparatif face aux obligations à 10 ans de la Confédération. À fin 2023, le différentiel de rendement entre les fonds et les emprunts fédéraux se situait autour de 2 points de pourcentage.

Prime basse

L’immobilier indirect bénéficie par ailleurs de son niveau de valorisation. Les agios ont certes rebondi en décembre autour de 16%, mais ils demeurent loin de leur moyenne historique de 22,5%. Tous les secteurs n’affichent cependant pas les mêmes agios. L’immobilier commercial reste en disagio, alors que le résidentiel se rapproche de la moyenne historique avec un agio d’environ 20%.

Avantages aux fonds cotés

Le niveau des agios maintient ainsi l’avantage, déjà observé en 2023, des fonds cotés sur d’autres véhicules de placement. Alors que les dividendes s’annoncent stables et que les VNI pourraient encore baisser, la marge de rebond des primes d’acquisition constitue un soutien favorable. Les fondations immobilières ont vécu leur plus mauvaise année en 2023 (2%) en raison de la baisse des VNI. Elles gardent cependant leur atout de diversification et de valeur défensive dans des marchés difficiles.

Les inconnues de la fusion UBS-Credit Suisse

Le plus gros point d’interrogation pour l’évolution du marché immobilier en 2024 est lié au rachat de Credit Suisse par UBS. Les conséquences de ce rapprochement pour le marché sont immanquables puisque, à elles seules, les deux banques couvrent plus d’un quart de l’univers de l’immobilier indirect et la moitié du marché des fonds immobiliers cotés. Le risque d’une contagion systémique de l’immobilier indirect à l’immobilier direct paraît limité. La restructuration du paysage de l’offre en fonds immobilier, elle, s’annonce profonde. Faute de visibilité sur l’avenir du portefeuille de la grande banque, le risque lié à cette redistribution des cartes reste difficile à calibrer. Sans oublier le fonds Credit Suisse 1A Immo PK, dont l’IPO, repoussée depuis de longs trimestres, fait peser un risque de dilution sur un marché pour l’heure peu réceptif aux levées de fonds.

Assise sur des fondamentaux solides, la pierre pourrait, en 2024, encore bénéficier d’une potentielle baisse des taux de la part de la BNS, peut-être déjà au printemps. Dans cet environnement bigarré, des arbitrages devront intervenir demandant un certain doigté guidé notamment par la recherche de qualité.

Cet article a paru en allemand dans Finanz und Wirtschaft, le 10.02.2024

ParYves Gallati, Senior Strategist Investment Manager, immobilier indirect suisse