Devant un parterre fourni de représentants de l’immobilier vaudois, Fritz Zurbrügg a rappelé que la mission de la BNS était d’assurer la stabilité des prix. «C’est notre rôle et nous devons nous y tenir».
L’atterrissage en douceur du marché hypothécaire et immobilier suisse n’a pas encore eu lieu. Pour Fritz Zurbrügg, vice-président de la direction générale de la Banque nationale suisse (BNS), les mesures prises par les autorités et l’Association suisse des banquiers en Suisse depuis 2012 – qui incluent l’activation du volant de fonds propres anticyclique – restent nécessaires. Elles visent à renforcer la résilience des banques dans un environnement caractérisé par des risques accrus, et à réduire le risque de surchauffe sur les marchés hypothécaire et immobilier. Il a ainsi indirectement répondu à Olivier Feller, son prédécesseur à la tribune des «Professionnels de l’immobilier», organisé le 30 mars à Lausanne par la BCV. Le directeur de la Chambre vaudoise immobilière s’est en effet demandé s’il n’était pas temps d’adapter les règles du jeu au vu de la situation sur le marché. La réponse est donc non. Par ailleurs, a ajouté le représentant de la BNS, les mesures ont contribué, pendant ces deux dernières années, à limiter les conséquences néfastes des taux bas sur ce même marché, dont l’envol des prix.
Devant un parterre fourni de représentants de l’immobilier vaudois, Fritz Zurbrügg a rappelé que la mission de la BNS était d’assurer la stabilité des prix. «C’est notre rôle et nous devons nous y tenir». Il a d’ailleurs cité Mario Draghi de la Banque centrale européenne (BCE) qui régulièrement dans ses discours insiste sur le fait que les autorités monétaires ne peuvent résoudre tous les problèmes économiques. Mais, Fritz Zurbrügg a ajouté que ceci ne signifiait pas que la BNS ne s’occupait pas des développements des marchés hypothécaire et immobilier. Dans les limites de sa mission évoquée, l’autorité monétaire suisse a aussi la tâche de contribuer à la stabilité du système financier.
Pour remplir cette tâche, la BNS se fie à un certain nombre d’indicateurs, a rappelé Fritz Zurbrügg. Et c’est à leur lecture qu’elle décidera en particulier quand elle proposera au Conseil fédéral d’adapter les exigences accrues en matière de fonds propres pour couvrir les risques liés au marché hypothécaire. S’il a convenu que la situation s’améliorait ponctuellement, il a ajouté qu’elle divergeait encore selon les secteurs immobiliers ou les régions. Ainsi, une légère détente des prix peut être enregistrée sur l’arc lémanique, c’est notamment vrai dans le secteur du luxe, mais pas forcément dans les appartements de moyen de gamme. Et assurer la stabilité financière d’un pays signifie prendre en considération la situation dans son ensemble.
La BNS observe l’évolution des prix dans les différents secteurs du marché, mais pas seulement. Elle s’intéresse à l’endettement des ménages. A l’exposition des banques. Ou encore à l’engagement des investisseurs, notamment institutionnels. Parmi les éléments qui inquiètent l’autorité monétaire figure la hausse progressive des risques liés à l’exposition aux marchés hypothécaire et immobilier des banques tournées vers le marché intérieur. Fritz Zurbrügg a rappelé que les opérations d’intérêt représentaient en moyenne 67% de leurs revenus. La situation sur le front des taux, et la pression à la baisse sur la marge d’intérêt qui en découle, pourraient les pousser à changer de modèle d’affaires ou à prendre plus de risques, notamment lors de l’évaluation de la capacité financière de leurs clients en quête de prêts hypothécaires. Les ménages pourraient ainsi accroître encore leur niveau d’endettement par rapport à leurs revenus. Quant aux investisseurs, en mal de rendement, ils se tournent toujours davantage vers l’immobilier, même si ses rendements baissent. Dans la situation actuelle, un investissement dans la pierre est toujours plus intéressant que l’achat d’une obligation de la Confédération à 10 ans. D’ailleurs, l’écart entre les rendements de ces deux catégories d’actifs reste élevé malgré la forte baisse du rendement des objets immobiliers résidentiels ces dernières années, a relevé Fritz Zurbrügg.
«Il est trop tôt pour parler d’atterrissage en douceur des marchés hypothécaire et immobilier, même s’il est important de signaler que, pour l’heure, les taux négatifs n’ont pas conduit à une dégradation de la situation». Alors que Fritz Zurbrügg réitérait son message nuancé en conclusion, Olivier Feller retenait que «lorsque la situation le permettra, la BNS interviendra».
Anne Gaudard, Rédactrice BCV