L’ancrage d’une inflation structurelle constitue une menace pour l’ensemble de votre patrimoine. La gestion des liquidités est cruciale.
Depuis plusieurs mois, l’emballement des prix s’est installé au premier rang des préoccupations des ménages et des entreprises. À raison, car après plus d’une décennie de sommeil, l’inflation présente un visage inquiétant, bien loin des traits gracieux qu’arborait à son réveil la Belle au bois dormant.
Si une inflation modérée est généralement considérée comme favorable pour soutenir un cycle de croissance, elle est délétère dans ses excès baissiers (déflation) ou haussiers (hyperinflation). Aujourd’hui, c’est ce deuxième cas de figure qui inquiète. En dépit de la détermination des banquiers centraux à couper les têtes de l’hydre inflationniste, il faudra du temps pour ramener la trajectoire des prix dans les canons de leur politique monétaire, soit vers les 2%. L’exercice s’annonce d’autant plus périlleux que l’inflation présente un caractère plus structurel que durant la dernière décennie et qu’elle s’est disséminée dans tous les secteurs de l’économie. Elle évolue aujourd’hui à des plus hauts saisissants si l’on en croit les indices des prix à la consommation (IPC). Avec des hausses de prix qui ont atteint 8,3% en août (en glissement annuel) aux États-Unis, 9,1% dans la zone euro et 3,5% en Suisse.
L’effet le plus évident de l’inflation est qu’elle écorne votre pouvoir d’achat. La hausse de l’IPC suisse signifie qu’il vous faut débourser aujourd’hui CHF 103,50 pour acquérir un panier de biens et de services équivalent à celui que vous ne payiez que CHF 100 il y a un an. Dans le scénario d’une hausse des prix constante de 3% par an, ce panier coûterait 242,70 dans 30 ans (voir le graphique ci-dessous). Parfois, les entreprises rusent. Elles maintiennent des prix stables, mais réduisent la quantité ou la qualité de leurs produits, une stratégie commerciale connue sous le jargon de «shrinkflation». Mais par quelque bout que vous abordiez le problème, le résultat est le même, ce que résume parfaitement la sagesse populaire: «Vous en avez moins pour votre argent». Un déficit que vous ne pourrez combler qu’en faisant croître vos revenus dans les mêmes proportions que l’inflation.
L’inflation ne se traduit pas seulement par une perte de pouvoir d’achat à court terme, mais elle rogne l’ensemble de votre patrimoine non investi. Cela concerne notamment le cash de votre portefeuille de placement ainsi que l’épargne traditionnelle et l’épargne de prévoyance qui sont toujours marginalement rémunérées en Suisse. Plus longtemps vous laisserez dormir ces fonds, plus les méfaits de l’inflation seront dévastateurs.
Connaissez-vous la belle mécanique des intérêts composés qui consiste à réinvestir systématiquement les intérêts d’un placement pour faire croître un capital? Figurez-vous que l’inflation suit la même approche mais qu’elle provoque l’effet inverse sur la valeur de vos avoirs. Dans l’hypothèse d’une inflation moyenne de 3% durant les prochaines années, vos liquidités auront subi silencieusement une dévalorisation de plus de 13% dans cinq ans, de près de 26% dans dix ans et de près de 60% dans 30 ans, (voir le graphique ci-dessous). Dans un contexte inflationniste, il est crucial de se montrer proactif afin d’obtenir la meilleure rémunération possible du capital en fonction de ses objectifs de gestion.
Ne foncez évidemment pas tête baissée! Veillez à garder une épargne de précaution suffisante pour faire face aux aléas de la vie et des liquidités confortables dans votre portefeuille pour exploiter les opportunités de marché qui peuvent se présenter durant les phases boursières critiques. Mais pour le surplus, mettez votre argent au travail. Prenez le temps d’examiner, avec votre conseiller ou votre conseillère, comment construire ou optimiser un portefeuille d’investissement afin de compenser ou, au moins, d’atténuer les effets négatifs de l’inflation.
Ne l’oubliez pas! Plus l’horizon de retrait de vos capitaux est lointain, plus vous avez intérêt à être investi pour vous protéger de l’inflation. Prenez donc tout particulièrement soin de vos avoirs de prévoyance vieillesse. Ne laissez pas traîner vos capitaux de libre passage ou de prévoyance 3A sur des comptes modestement rémunérés. Dans ce domaine, votre latitude de placement est certes limitée par la législation sur la prévoyance professionnelle. Vous n’en trouverez pas moins chaussure à votre pied dans un large éventail de stratégies d’investissement répondant à votre propension au risque et à vos objectifs de rendement. Si vous avez d’importants excédents de liquidités, pensez d’ailleurs à combler vos éventuelles lacunes de prévoyance. Les capitaux alloués à cette fin bénéficient d’une imposition préférentielle qui améliore de facto la rentabilité de votre investissement.
Enfin, si vous êtes propriétaire d’un logement, examinez également l’opportunité d’engager des travaux de rénovation énergétique. Un projet de cette nature vous laisse augurer un meilleur confort de vie, une réduction importante de vos dépenses énergétiques, des avantages fiscaux substantiels et une revalorisation de votre patrimoine immobilier, ce qui constitue un atout majeur en cas de vente. Pour mener à bien cette entreprise, vous pouvez bénéficier en outre d’importantes subventions et, dans certains cas, de conditions de financement préférentielles. Il y a donc aujourd’hui de meilleures solutions que de laisser dormir votre argent.
La bonne inflation est une hausse des prix modérée, autour de 2% par an, car elle incite les acteurs économiques (ménages et entreprises) à dépenser (consommation et investissement), et donc à alimenter la croissance économique. Elle favorise aussi une bonne allocation des ressources dans une économie.
Une mauvaise inflation est une évolution extrême de l'inflation, à la hausse (hyperinflation) ou à la baisse (déflation).
S'il y a un dérapage des prix, les ménages et les entreprises sont incités à se précipiter sur les biens et les services, provoquant des pénuries et des goulets d'étranglement qui accentuent l'emballement des prix, une baisse du pouvoir d'achat et des marges, et génèrent des demandes de hausses de salaires qui provoquent une spirale inflationniste. L'allocation des ressources devient sous-optimale, avec des entreprises qui se mettent par exemple à investir dans la production de biens/services les plus chers, mais pas forcément les plus bénéfiques pour l'économie dans une optique de long terme.
À l'inverse, la déflation peut geler une économie, car elle incite les ménages et les entreprises à attendre que les prix baissent pour acheter et investir, et provoque, une récession ou une dépression économique, à moins que l'État ne prenne le relais en tant que moteur de la croissance, comme c'est le cas au Japon depuis des décennies.