Le canton de Vaud est en train de finaliser une nouvelle loi sur l’énergie, qui fixe notamment un cadre précis pour les détenteurs de biens immobiliers.
Bien que tout immeuble ait une situation, une conception et un état propres, l’analyse des scénarios de travaux montre que l’assainissement permet généralement de réduire substantiellement les émissions de CO2 et améliore la rentabilité. Si une réserve à bâtir existe, la profitabilité peut être améliorée avec une surélévation; cette solution peut toutefois être difficile à mettre en œuvre.
Rénover son ou ses bâtiments? Oui, mais comment? Derrière cette interrogation pointe inévitablement la notion du financement de la contribution du parc immobilier à l’atteinte de l’objectif de l’Accord de Paris, que la Suisse s’est engagée à atteindre.
Deuxième contributeur après les transports, le bâtiment pèse pour près d’un quart des émissions de gaz à effet de serre du pays. Bien que sa part soit en baisse depuis les années 1990 grâce aux efforts entrepris en matière d’efficience énergétique, son rôle est clé pour réduire à zéro (net) les émissions de CO2. À ce cadre national s’ajoutent des démarches cantonales: ainsi, le canton de Vaud est en train de finaliser une nouvelle loi sur l’énergie, qui fixe notamment un cadre précis pour les détenteurs de biens immobiliers. Ceux-ci ne peuvent ainsi plus repousser sine die toute décision d’assainissement, alors que les chauffages consommant des énergies fossiles sont appelés à disparaître et que les bâtiments doivent être plus efficients énergétiquement.
Comment rénover est une question d’autant plus cruciale que le marché reste en état de pénurie de logements, notamment dans l’Arc lémanique, et que la législation devient toujours plus précise. Une situation qui, combinée à l’évolution des taux d’intérêt, n’est pas sans influence sur les prix des biens et sur leur rendement, élément clé pour motiver et accélérer les investissements.
Alors, comment rénover? Le choix est vaste et s’étend du strict minimum, soit le remplacement des éléments vétustes, à une démolition et reconstruction. Bien sûr, chaque bâtiment est unique, possède des caractéristiques spécifiques et est érigé sur une parcelle avec une capacité constructible propre. Il est donc difficile de généraliser. L’analyse des données disponibles sur le parc immobilier dans l’ensemble des communes du canton et de scénarios de travaux montre cependant que la solution optimale – tant sur le plan de l’empreinte carbone que sur celui de la rentabilité du bâti – est souvent un assainissement accompagné d’une surélévation (lire exemple en page 10).
Un tel résultat s’explique par le fait que, si le locataire peut bénéficier de la diminution des charges de chauffage, le propriétaire peut, de son côté, répercuter tout ou partie du coût des travaux sur les loyers, selon la législation en vigueur dans son canton. Il peut, en outre, bénéficier de subventions et potentiellement déduire fiscalement certaines dépenses.
La situation s’avère d’autant plus intéressante que la parcelle sur laquelle se dresse l’immeuble bénéficie d’une réserve constructible. Le propriétaire peut alors – si la structure du bâtiment le permet – envisager non seulement un assainissement, mais aussi une surélévation. Les nouveaux logements pourront être loués au prix du marché, ce qui contribue à l’amélioration de la rentabilité.
Rentabilité, le mot est au cœur des démarches de densification. Car, contrairement aux assainissements réalisés lorsque des éléments de construction arrivent en fin de vie ou au gré des opportunités techniques et financières – du moins tant que le cadre législatif le permet –, la surélévation doit, à la manière des constructions, satisfaire d’entrée de jeu à des critères financiers. La seule présence d’une réserve constructible ne suffit pas à inciter le propriétaire à investir. Il doit aussi y avoir un rapport positif entre les montants dépensés et le produit locatif anticipé.
Un élément d’autant plus capital que le projet peut être appelé à rencontrer de nombreuses oppositions. Lorsqu’ils s’inscrivent en milieu urbain, ces travaux entraînent des nuisances pour les riverains – tant visuelles et sonores que d’accessibilité. Leur réalisation accroît ainsi les exigences en matière d’études préalables et de traitement des dossiers, donc la durée de planification et les coûts qui lui sont liés.
De plus, cette solution n’est possible qu’à la condition que la structure porteuse du bâtiment permette une surélévation. Elle peut également être entravée par des aspects légaux, liés par exemple à l’aménagement du territoire ou à des servitudes contraignantes.
Dans ce cas, densification est synonyme de démolition-reconstruction. Or cette démarche s’avère plus lourde pour l’environnement. Les émissions de CO2 liées à la fabrication, au transport et à la mise en place des matériaux de construction sont importantes, alors que le prolongement de la durée de vie d’un bien existant et son assainissement diminuent l’empreinte carbone de la parcelle.
Démolir et reconstruire nécessite, en outre, un investissement supérieur à celui engendré par un assainissement et une surélévation. Le produit locatif anticipé doit être adapté à cette réalité. Or certaines législations cantonales, notamment celles vaudoise et genevoise, limitent la répercussion de ces investissements sur les locataires dans le but de maintenir des loyers abordables. Des dispositions communales peuvent aussi avoir un effet sur un projet.
Sur la base d’hypothèses réalistes (densification de 50%, soit deux niveaux supplémentaires par rapport aux quatre initiaux; revenu locatif initial à 30% des prix de l’offre, après assainissement limitation à 60%), notre analyse montre que, dans 96% des communes du canton, la rentabilité fait défaut lors d’une démolition-reconstruction. Globalement donc, si le propriétaire bénéficie d’une réserve constructible, celle-ci dispose d’une rentabilité suffisante à la condition d’être exploitée dans le cadre d’une surélévation. Exceptions notables: le terrain se situe dans certaines communes de l’Arc lémanique et des Alpes vaudoises.
Il est intéressant de noter qu’en l’absence de législation cantonale spécifique, le Code des obligations fait référence en matière de bail à loyer. Or le texte fédéral n’induit pas de contrôle des loyers. Par conséquent, le propriétaire pourra profiter pleinement de la réserve constructible, mais également de la réserve locative, s’il se décide pour une démolition-reconstruction. Pour l’ensemble des propriétaires immobiliers, qu’ils soient institutionnels ou privés, la question n’est plus de savoir s’ils doivent agir, mais quand et, surtout, comment. Dans ce contexte, un grand nombre de communes détiennent aussi une partie de la solution en favorisant une densification accrue dans des zones ciblées. Une telle démarche améliore plusieurs éléments clés pour les différentes parties prenantes: dont la rentabilité pour le propriétaire – incitatif essentiel –, le bilan carbone et les finances publiques au travers de l’imposition sur la plus-value foncière.
Préserver, assainir, assainir et surélever, démolir et reconstruire? Prenons l’exemple d’un immeuble des années 1950, l’un de ces bâtiments que l’on qualifie volontiers de «passoires énergétiques» en raison des déperditions de chaleur permises par son enveloppe. Pour cet immeuble, notre analyse distingue quatre scénarios, du plus conséquent, soit une démolition et une reconstruction exploitant une réserve constructible de 50%, au plus modeste, la simple préservation par le remplacement des éléments vétustes. Ce dernier cas de figure est comparé à un scénario d’assainissement, tandis que le premier est comparé à un assainissement accompagné d’une surélévation. Si la préservation affiche l’empreinte carbone la plus lourde, l’assainissement et la surélévation sont non seulement le scénario le plus vertueux, mais également le plus profitable.
L’analyse prend ainsi en compte les trois «scopes» de l’analyse du bilan carbone. Le premier considère la consommation directe de l’énergie, le deuxième concerne la consommation indirecte – soit celle provenant du chauffage à distance ou d'une pompe à chaleur –, le troisième porte sur l’énergie dite grise, c'est-à-dire celle engendrée par la construction, la mobilité, les déchets, l’exploitation au quotidien par les locataires, etc. Ainsi, si l’on faisait abstraction du scope 3, le résultat pencherait en faveur des immeubles neufs.
Notons encore que les travaux envisagés dans ces scénarios sont souhaitables. Ils permettent de réduire l’empreinte carbone et, pour les scénarios dans lesquels une réserve à bâtir existe, de densifier le tissu urbain et de limiter le mitage du territoire. En ce qui concerne les arbitrages économiques, ils intègrent la législation en vigueur. De plus, en termes de produit locatif après travaux, la composante marché est prise en compte. La fiscalité n’est, quant à elle, pas considérée, au motif qu’elle dépend de l’assiette fiscale du propriétaire et non du bien immobilier. Toutefois, elle reste de nature à favoriser ces investissements.
Deuxième contributeur national derrière les transports, le bâtiment doit contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour permettre à la Suisse d’atteindre les objectifs qu’elle s’est engagée à respecter (voir graphique). Cela passe notamment par un abandon des énergies fossiles pour les systèmes de chauffage et une amélioration significative de l’efficience énergétique des bâtiments.
Propriétaires d’une partie du parc de bâtiments, les fonds immobiliers suisses ont donc un rôle à jouer. Une analyse récente montre qu’ils ont globalement l’intention d’agir en ce sens: 38 fonds sur 43 ont des objectifs alignés sur ceux de la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération. Mais la route est encore longue et le plus facile – le changement de chaudière – est déjà planifié.
Il s’agit tout d’abord de bien différencier les loyers des logements au bénéfice d’un contrat de bail des loyers de l’offre. Si l’évolution des premiers est encadrée par la législation en vigueur, celle des seconds intègre aussi la situation du marché, soit l’offre et la demande. Actuellement, le rapport est déséquilibré, la production baissant alors que la demande s’accroît en raison notamment de l’immigration et du solde démographique naturel.
Pour que l’offre nouvelle permette au bâtiment de répondre aux exigences de durabilité et d’enjeux sociétaux, elle devrait s’orienter davantage vers la densification du tissu urbain. Or les risques de retard, voire d’impossibilité de construire sont importants. Par exemple dans l’Arc lémanique, si la construction de nouveaux logements nécessaire au maintien du dynamisme et de l’attractivité de la région est notamment entravée par manque d’incitations économiques, la détente espérée sur les loyers de l’offre ne pourra pas se concrétiser.