Dans l'analyse des rendements immobiliers, la structure de financement a, peu à peu, pris de l’importance, en particulier le montant des fonds propres investis dans une opération en regard du prix d’acquisition de l’immeuble.
L’évolution récente des taux d’intérêt ne doit pas faire oublier un principe de base de votre stratégie d’investissement immobilier: une charge financière stable et la moins coûteuse possible.
Les baisses de taux successives de la Banque nationale suisse (BNS) durant l’année 2024 peuvent nous faire penser que la victoire contre l’inflation est désormais actée et que les taux hypothécaires se stabiliseront durablement entre 1% et 2%. Néanmoins, l’histoire nous prouve que cet équilibre est fragile et que le marché peut évoluer rapidement. Une fragilité, dont il s’agit de tenir compte dans toute planification, puisque les taux constituent un des paramètres qui composent le rendement immobilier.
Un immeuble est un actif qui dégage un rendement net, égal aux revenus locatifs qu’il génère déduits des charges directement nécessaires à son exploitation et à son entretien. Lorsqu’on met en rapport ce rendement net avec la valeur de l’actif qui le génère – par exemple son prix d’achat –, on obtient le ROA (Return On Asset). Ce dernier ne tient cependant pas compte de la structure du financement, qui a servi à l’acquisition du bien immobilier en question.
L’arrivée de propriétaires ayant une vision purement financière du marché immobilier – ils appliquent à la pierre les mêmes principes qu’aux autres classes d’actifs – a modifié l’analyse classique fondée presque exclusivement sur le ROA. La structure de financement a, peu à peu, pris de l’importance, en particulier le montant des fonds propres investis dans une opération en regard du prix d’acquisition de l’immeuble. À ce titre, le rendement sur fonds propres (ROE ou Return On Equity) – équivalent au rendement net de l’actif diminué des charges d’intérêts et des impôts, mis en rapport avec le montant des fonds propres investis – est devenu un indicateur clé de la performance d’un investissement.
Dès lors, afin de maximiser son ROE, un investisseur ou une investisseuse peut soit améliorer le rendement net de son actif, soit optimiser le coût de sa dette tout en augmentant son effet de levier. Dans ce dernier cas, à taux d’intérêt constant, le ROE s’améliore lorsque les fonds propres investis diminuent, et inversement est réduit au fur et à mesure que les fonds propres augmentent. Dès lors, pour un prix d’acquisition donné, les propriétaires auront donc intérêt à accroître leur endettement afin d’obtenir un meilleur ROE. Ceci, bien sûr, pour autant que la charge d’intérêt subsiste à un niveau raisonnable. Le recours à des fonds étrangers pourra donc avoir, sous certaines conditions, un effet positif sur la rentabilité d’un investissement. Essayons d’illustrer ces propos en scrutant l’évolution de ces paramètres au cours de ces trente dernières années.
La crise immobilière des années nonante a entraîné une chute des prix et une hausse des taux d’intérêt hypothécaires, qui ont parfois dépassé 7%. Alors, un investisseur pouvant acquérir un immeuble générant par exemple un ROA de 7%, n’avait généralement pas ou peu recours à l’endettement. Ainsi, en excluant les effets fiscaux par souci de simplification, son ROE était strictement égal au rendement net de son actif, soit 7%.
La baisse progressive des taux d’intérêt est l’un des éléments qui ont fait grimper les prix des actifs immobiliers, ceux-ci pouvant être financés en partie par des fonds étrangers, faisant dès lors mécaniquement baisser leur ROA.
En prenant l’hypothèse d’un ROA en diminution à 5% et d’un taux d’intérêt de 3%, seul le recours à la dette, à hauteur de 50% de l’investissement, permettait de maintenir un ROE identique à 7% (voir graphique ci-dessous).
À la suite de la crise financière de 2008, la dette est abondante et bon marché, faisant encore augmenter les prix et donc diminuer le rendement des actifs immobiliers. En imaginant un ROA en baisse à 3% et un taux d’intérêt de l’ordre de 1%, les fonds étrangers devaient représenter 2/3 de l’investissement pour obtenir un ROE inchangé de 7%.
On constate donc qu’au fil du temps, dans un contexte de hausse des prix et de baisse des rendements immobiliers, l’investisseur, afin de maintenir un rendement sur fonds propres identique, a dû augmenter son endettement et donc son risque financier de façon significative.
Cet effet de levier reste néanmoins favorable tant que le ROA est supérieur au taux d’intérêt moyen des fonds étrangers. Dès lors, la stabilité du coût de la dette et, de manière plus générale, la stabilité de sa gestion au fil du temps deviennent des composantes fondamentales de la performance d’un portefeuille immobilier. S’agissant d’une activité fortement liée à l’évolution des taux d’intérêt, on veillera à s’assurer à long terme de la marge entre le rendement net de ses actifs et le coût de ses passifs. Dans un marché plus tendu que jamais, où la répercussion des coûts du capital sur les locataires est de plus en plus difficile, il est nécessaire de s’assurer que la charge financière soit la moins coûteuse possible tout en étant relativement stable dans le temps.
Si le retour au calme sur le front des taux d’intérêt peut vous inciter naturellement à ne rien faire, c’est au contraire le bon moment pour définir une stratégie claire de couverture, en adéquation avec votre stratégie d’investisseur.
Auteurs:
Michaël Jaquet, CEO, DebtPilot
Sébastien Roduit, responsable Immobilier, BCV