Fondateur et CEO de Debitors Management, Alexandre Géraud propose quelques conseils aux entreprises dans la gestion de leur facturation. S'il préconise "de continuer les processus en cours", il convient qu'"il faut savoir se montrer souple".
Debitors Management s’attend à une croissance des demandes de recouvrement de factures. L’entreprise lausannoise conseille de suivre une ligne de conduite stricte, mais basée sur le dialogue par tous les canaux possibles.
«La période clé sera l’été». Alexandre Géraud consulte ses données statistiques pour constater que son indicateur de capacité de paiement a reculé en mars avant de rebondir le mois suivant sans toutefois rattraper le terrain perdu (voir graphe ci-dessous). Mais un gros point d’interrogation demeure pour les prochains mois, convient le fondateur et CEO de Debitors Management, une société de solutions de credit management créée en 1997 et basée à Lausanne. C’est vrai pour son activité, mais aussi pour celle de ses clients et des clients de ses clients.
Graphique: Évolution de l'indicateur de capacité de paiement calculé par Debitors Management (source: Debitors Management)
Son activité dans le recouvrement de créance lui permet d’entrevoir la situation sur le front de la trésorerie des ménages et entreprises. «Les Suisses restent de bons payeurs, même si la situation se dégrade depuis quelques années, mais il est vrai que beaucoup ont différé une partie de leurs paiements à l’éclatement de la crise, une retenue qui résulte davantage de l’effet de surprise que d’un manque de liquidités». Et après? Comme pour l’ensemble de l’économie, sa visibilité est restreinte. «Nous nous attendons cependant à une augmentation des demandes de recouvrement à moyen terme». Le contentieux concerne habituellement entre 0,3% et 2% du chiffre d’affaires des entreprises selon les secteurs.
Durant la crise, nombre de ses clients se sont inquiétés de la stratégie à adopter envers leurs débiteurs. Et les questions vont encore affluer prochainement. Envoyer des rappels? Repousser les actions de poursuite? «Nous avons toujours tenu le même discours, celui de continuer les processus en cours, car la prestation a été fournie, mais il faut savoir se montrer souple.» Certains de ses clients, aux reins solides, ont préféré attendre, d’autres ont suivi le conseil.
«Notre stratégie privilégie les résolutions à l’amiable sur le principe qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès». Il précise que tous les canaux de contact sont utilisés pour entrer en communication avec les débiteurs afin «de trouver des solutions raisonnées». Et d’ajouter: «nous sommes présents pour nous occuper des clients de nos clients, nous véhiculons l’image de marque de nos clients».
Alexandre Géraud constate, lui aussi que les secteurs les plus touchés aujourd’hui par la crise sont l’hôtellerie, le tourisme, le commerce de détail non alimentaire, l’aviation ou encore certains services. Les ventes en ligne ont, elles, au contraire progressé. Avec quels effets sur son activité ou sur le degré de solvabilité des Suisses? Les données manquent encore pour anticiper les effets de cette vague. «Mais les Suisses restent des amateurs de factures, si un magasin en ligne ne propose pas ce moyen de paiement, il peut perdre une partie non négligeable de sa clientèle potentielle, soit 30% à 40%. Après, pour ces services, il faut pouvoir gérer le risque de crédit en faisant appel à des prestataires spécialisés dans le renseignement économique».
Aux créanciers, il préconise une ligne de conduite cohérente afin que, lorsque le débiteur aura résolu ses problèmes de liquidités, leur facture se retrouve sur le haut de la pile. Son premier conseil: bien connaître son client pour mieux prévenir le risque débiteur. À ce propos, il prend exemple sur sa société, «il est ainsi important de discuter avec ses commerciaux, avec les gens qui sont sur le terrain, qui connaissent les clients. Ils peuvent fournir des éléments que les chiffres ne disent pas. Il s’agit aussi de recourir aux informations tierces fournies par des sociétés spécialisées dans l’analyse de solvabilité».
Au-delà de la reprise de l’activité, il insiste sur la nécessité de réaliser des revenus et de s’assurer qu’ils rentrent le plus vite possible par une gestion disciplinée de l’encaissement, de l’émission la plus rapide possible d’une facture au recouvrement des impayés, en passant par un processus de rappel strict. Assurer des revenus signifie par exemple offrir des biens ou services dont ont besoin les clients. Il le dit aussi pour Debitors Management dont une partie des revenus est liée aux résultats des recouvrements. La crise a mis en évidence des notions comme la digitalisation, la décentralisation ou encore la traçabilité. L’entreprise, qui emploie 33 personnes entre la Suisse, la Pologne et l’Argentine, a ainsi une palette de services d’automatisation de certaines tâches de back-office, notamment pour les PME, des services qui se sont avérés utiles en ces temps difficiles. Et pendant la crise, elle a pu offrir des prestations de gestion électronique des documents, d’impression et de mise sous pli décentralisées à des acteurs économiques qui n’avaient pas la possibilité de traiter ces activités hors de leurs murs.
En fait, «nous offrons des solutions qui permettent à ces sociétés de se concentrer sur leur savoir-faire et de nous déléguer les services de suivi de la génération de leur chiffre d’affaires – de l’offre jusqu’à l’encaissement, en passant par l’établissement des factures et rappels, le traitement du contentieux, etc. –, ou encore la gestion et l’analyse du risque débiteur. Ceci tout en ayant toujours la possibilité de suivre la situation en temps réel et d'intervenir en ligne». Et d’ajouter que si le créancier peut avoir accès à un extranet pour la gestion de ses factures, une plateforme a également été développée pour les clients de ses clients.
Participer à la transition numérique signifie avoir déjà fait le pas à l’interne. «Nous avions prévu de pouvoir gérer les 600 000 courriers imprimés, 33 000 appels entrants et autres 15 000 courriels que nous traitons chaque année depuis des postes hors bureau». Le télétravail n’était pas une nouveauté pour Debitors Management. «Nous monitorons depuis deux ans l’implantation du travail à distance, qui demande notamment un changement organisationnel des structures de l’entreprise. Nous avons observé une hausse de 30% de la productivité à la maison.»
Et s’il fallait un constat pour conclure, ce serait le coup d’accélérateur que cette crise a donné à l’externalisation des services non core business ou encore la numérisation des entreprises. Quelle que soit leur taille.
Le site de Debitors Management
Les trois conseils de Debitors Management pour assurer le suivi des factures et une trésorerie saine (voir la vidéo)