Tous les secteurs de l'économie vaudoise ne voient pas 2024 de la même manière. Dans la construction, par exemple, le second oeuvre est plus optimiste que le gros oeuvre.
Les différentes enquêtes auprès des entreprises dans le canton montrent des attentes mitigées pour les six prochains mois après une année aux allures différentes selon les branches. L’économie du canton devrait se stabiliser l’an prochain. Attention à l’évolution de la conjoncture mondiale.
Inflation, hausse des taux, tensions géopolitiques, franc fort, ralentissement de la croissance en zone euro, les entreprises vaudoises ont dû compter avec un environnement complexe en 2023. Mais, elles ont aussi pu compter sur un marché intérieur solide porté par un marché du travail en situation de presque plein emploi. À l’heure des bilans, près de quatre entreprises sur dix évaluent leur marche des affaires comme étant bonne à excellente. L’enquête conjoncturelle d’automne de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) relève par ailleurs qu’elles sont encore trois sur dix à envisager une poursuite de leur activité sur le même mode pour les six prochains mois. La visibilité se trouble au-delà, surtout dans l’industrie.
Globalement, les sociétés actives dans les branches exportatrices ont observé le ralentissement de l’économie mondiale, et estiment qu’il devrait se poursuivre en 2024. Les exportations ont ainsi été freinées par la situation économique difficile en Europe, et plus particulièrement en Allemagne, ou encore en Chine. Dans les services, les entreprises vaudoises s’attendent majoritairement à une stabilisation à un haut niveau.
Au-delà de cette vue d’ensemble, toutes les branches ne traversent pas cette période au même rythme. Ainsi, les indicateurs de la Commission Conjoncture vaudoise relèvent que, dans l’industrie, l’année 2023 s’est montrée favorable au secteur des machines, mais pas à la métallurgie et à la chimie. Les perspectives apparaissent globalement mitigées aux yeux des industriels vaudois après une année qualifiée de morose. Ils s’attendent à une reprise des entrées de commandes, à une stabilisation des prix, mais se montrent plus circonspects sur les prévisions en matière d’emploi.
La construction dit évoluer à un rythme satisfaisant, voire en légère accélération. Quant à l’évolution pour ces prochains mois, elle est jugée positive dans le second œuvre, alors que le pessimisme règne dans le gros œuvre. Les services, qui enregistrent une amélioration de leur marge bénéficiaire, s’attendent eux à une légère progression de la demande et des emplois. C’est notamment vrai dans les services aux entreprises. La situation s’est péjorée dans le commerce de détail, mais diffère selon le type d’enseignes. Les ventes de fin d’année laissent entrevoir une stabilisation des prix de vente, une première depuis la crise sanitaire. Dans l’hôtellerie, si les nuitées se rapprochent de leur niveau d’avant-pandémie, la pression sur les marges s’accroît avec la hausse des prix. Les perspectives s’annoncent globalement meilleures pour l’hôtellerie que pour la restauration qui pâtit de la dégradation du climat de consommation.
L’enquête de la CVCI montre que l’inflation, la hausse des coûts de financement ou encore la force du franc s’allient pour rogner les marges – et ceci quel que soit le secteur d’activité (voir graphe). Près d’une entreprise sur deux les juge cependant encore satisfaisantes et 28% bonnes. Mais cette tendance pèse sur les investissements, s’inquiète Patrick Zurn, responsable économique de la CVCI. Les intentions stagnent à un bas niveau. Une remarque qui s’étend également aux volumes investis.
Graphe 1: Marge d'autofinancement, évolution depuis 2013 par secteur. CVCI
Les hausses de prix restent d'actualité, même si la situation en Suisse a été mieux maîtrisée qu’en Europe par exemple. Dans ce contexte, les entreprises vaudoises ont en moyenne relevé les salaires de 2,2% en 2023 alors que les prix progressent à un rythme moyen attendu à 2,3% sur l’ensemble de l’année. 41% d’entre elles n’envisagent pas de hausse pour 2024 et 21% évoquent une progression entre 2% et 2,9%. Dans un marché de l’emploi solide, elles sont plus nombreuses à envisager une poursuite des engagements qu’une réduction de leurs effectifs, mais la différence entre les deux tendances s’atténue quelque peu.
Après une année 2023 placée sous le sceau de la stabilisation, qu’attendre pour 2024? Comme souvent lorsqu’il s’agit de l’économie suisse ou vaudoise, les regards se tournent vers l’étranger. Plutôt morose, l’économie mondiale ne présente pas un visage uniforme. Si les États-Unis ont surpris par leur dynamisme cette année, l’Europe a fortement ralenti dans la foulée de l’industrie allemande, et la Chine peine à redémarrer. Emmenée par sa locomotive américaine, l’économie mondiale devrait poursuivre son ralentissement l’an prochain. Les dernières statistiques économiques accréditent le scénario d’un atterrissage en douceur, résume René-Pierre Giavina, stratégiste financier, à la BCV.
Pour mieux apprécier l’évolution de la situation, il s’agit de garder un œil sur les effets décalés des hausses de taux sur l’économie. Une attention particulière doit également être portée aux premiers points d’interrogation entourant le marché de l’emploi et la consommation des ménages américains, ainsi qu’aux signes de désencrage des anticipations d’inflation. Sans même parler des tensions géopolitiques.
Alors que la décrue de l’inflation a surpris par sa rapidité, les banques centrales restent sur la défensive. Le plus dur reste peut-être à faire sur la route des 2%, rythme de hausse des prix considéré comme neutre pour l’activité. En mode pause, elles devraient maintenir leurs taux à un niveau relativement élevés en début d’année.
Dans ce contexte, la Banque nationale suisse (BNS) s’est montrée bonne élève en parvenant à bien gérer l’équilibre entre hausse des taux et renforcement du franc. Résultat, c’est en Suisse que l’inflation est revenue en premier sous la barre des 2% et que les coûts de refinancement ont le moins progressé. Même si de nouvelles pressions haussières sont attendues en début d’année en raison du relèvement de la TVA, de la hausse des loyers ou de certains prix administrés, le pic des taux courts est atteint. Car les perspectives conjoncturelles mondiales restent moroses et le franc demeure fort, pesant ainsi sur l’activité industrielle et les exportations.
Du côté des taux longs, de faibles pressions haussières sont encore possibles, mais en Suisse, ils demeurent bas (voir graphe). La prime de risque sur les taux à dix ans de la Confédération tend à diminuer en raison de la normalisation de la politique monétaire de la BNS. Ce repli des taux swaps devrait se poursuivre, un élément positif pour les entreprises en besoin de financement et pour les taux hypothécaires.
Graphe 2: Évolution des taux à 10 ans gouvernementaux. LSEG Datastream, BCV.
Les entreprises devront cependant encore compter avec un franc fort. Les fondamentaux de l’économie suisse rassurent. L’inflation reste moins élevée en Suisse qu’en zone euro, la croissance montre moins de signes de fragilité, les finances publiques demeurent plus saines. À ces éléments s’ajoutent les tensions géopolitiques qui peuvent renforcer le rôle de valeur refuge du franc. Et même si l’écart de rendement avec le Bund allemand pouvait s’avérer intéressant pour les investisseurs et les investisseuses, il faudrait une embellie en zone euro pour observer un retournement de tendance clair, explique encore René-Pierre Giavina. Les conséquences de ce franc fort se lisent déjà dans le sondage de la Commission Conjoncture vaudoise, «près d’un quart des correspondants ont vu se détériorer leur position concurrentielle dans l’Union européenne au cours du troisième trimestre».
Comme la Suisse, le canton de Vaud peut compter sur un marché du travail solide où il est davantage question de pénurie de main d’œuvre que de chômage, relève Jean-Pascal Baechler de l’Observatoire BCV de l’économie vaudoise. En situation de plein emploi, l’économie suisse continue à en créer (voir graphe). Les places vacantes, qui ont atteint un niveau record, touchent tant le tertiaire que le secondaire, mais ce dernier s’avère être davantage préoccupé par la situation. Le secteur de la fabrication de produits électroniques et l’horlogerie affichent un taux de places vacantes de 4% contre une moyenne suisse de 2,2% et romande de 1,8%. Le canton de Vaud peut notamment compter sur un bassin de population plus large et affiche ainsi un taux de vacance inférieur à celui observé sur l’ensemble du pays. Mais le manque de bras peut constituer un obstacle à la marche des affaires, c’est notamment ce que constate le secteur du second œuvre de la construction.
Graphe 3: Création d'emplois par trimestre. OFS, Statistique Vaud, BCV
En ralentissement, notamment en raison de son exposition à la conjoncture mondiale, l’économie vaudoise devrait poursuivre néanmoins sur la voie de la croissance avec une progression attendue de 1,4% cette année et de 1,3% l’an prochain. Le marché du travail reste solide, même si le chômage repart à la hausse. Son niveau moyen devrait atteindre 3,8% en 2024. Il était de 3,3% en octobre 2023.
Lire aussi:
PIB vaudois, l’économie du canton garde le cap malgré le ralentissement mondial
Où sont passés les candidats et les candidates?