L'agglomération Lausanne-Morges est le plus grand pôle urbain du canton. Elle abrite près de 300 000 personnes, près de 40% de la population vaudoise.

DANS LE CANTON 19 avril 2018
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Lausanne-Morges: un décalage du centre de gravité vers l’ouest

40% de la population du canton

Il suffit d’emprunter la route cantonale qui passe entre le lac Léman et les campus de l'Université de Lausanne et de l’École polytechnique fédérale de Lausanne puis de poursuivre son chemin à travers Préverenges pour se rendre compte que les parcelles libres de tout bâtiment ou de projet commencent à se faire rares. En prenant de la hauteur, on constate à quel point l’agglomération Lausanne-Morges se densifie: les nouveaux bâtiments, les grues, les projets se multiplient.
À Bussigny-près-Lausanne, à Chavannes-près-Renens, à Crissier, à Morges ou au nord de Lausanne, de nouveaux quartiers – abritant des logements et des surfaces administratives, commerciales et artisanales – sortent de terre.

L'agglomération Lausanne-Morges est le plus grand pôle urbain du canton. Elle abrite près de 300 000 personnes et environ 150 000 logements, soit un peu moins de 40% des 780 000 habitants et des 390 000 logements du canton. Durant les 20 dernières années, elle a vu sa population augmenter d’un quart et les activités économiques ont suivi une courbe similaire. L’agglomération compte quelque 175 000 emplois, soit 50% des emplois vaudois. D’ici 2030, selon les prévisions, elle pourrait accueillir chaque année environ 5 000 nouveaux habitants – équivalant à un besoin de 2 500 logements – et offrir annuellement 3 000 emplois supplémentaires. Son centre de gravité devrait poursuivre son décalage vers l’ouest, une constante de son développement depuis les années 1950.

Phénomène de rattrapage

Il n’en reste pas moins que le développement qui s’est initié tient aussi partiellement du phénomène de rattrapage. Malgré un fort développement à l’ouest et au nord-ouest, le poids de l’agglomération Lausanne-Morges dans la population vaudoise a légèrement fléchi depuis les années 1970, période où il a culminé à plus de 45%. En particulier, la ville de Lausanne, déjà dense, ne s’est pas développée au même rythme que le canton.

Cette évolution est illustrée par la part de l’agglomération Lausanne-Morges dans les nouveaux logements construits dans le canton entre 2000 et 2017: environ 20 000, soit un peu moins de 30% ou moins que la part de l’agglomération dans la population, sur un total de 70 000 logements. En d’autres termes, le nombre de logements a progressé de 22% dans le canton et de 16% dans l’agglomération. À l’inverse, l’arrière-pays, en particulier les districts du Gros-de-Vaud et de la Broye-Vully, ainsi que le district de Nyon ont connu un développement plus rapide.

Situation centrale

Cela ne trahit toutefois pas un attrait moindre de l’agglomération Lausanne-Morges. Du fait de ses infrastructures, de sa situation centrale et de ses multiples connexions aux réseaux de transport, elle constitue l’une des régions prisées lors de la recherche d’un logement. Combiné à une offre restreinte, cela a conduit à des hausses des prix et des loyers des logements parmi les plus importantes du canton. Les prix des appartements en propriété par étages (PPE) ont plus que doublé depuis 2000 et ceux des maisons familiales individuelles ont augmenté de 80%. Quant aux loyers offerts sur le marché, ils ont progressé de 25% à 30% depuis 2005. Cela dit, ces dernières années, les prix des objets de luxe et standard se sont tassés, ceux des maisons familiales ont même baissé.

Le développement de l’agglomération Lausanne-Morges répond autant à la demande de la population qu’à la volonté de densifier les centres, de freiner l’étalement urbain et de limiter le mitage du territoire, qui est au cœur de la politique d’aménagement du territoire dans le canton et en Suisse. Il est encadré par le Projet d’agglomération Lausanne-Morges (PALM), né en 2007. Ce dernier a la vocation de concilier dynamisme, croissance, qualité de vie et préservation de l’environnement. Comme les autres projets d’agglomération dans le canton (AggloY dans la région yverdonnoise, le Grand Genève à cheval sur le district de Nyon, le canton de Genève et la France voisine, Chablais Agglo à la frontière entre Vaud et le Valais et Rivelac dans la région Riviera-Veveyse-Haut-Lac), le PALM fait écho à la politique fédérale des agglomérations élaborée au début des années 2000.

Valoriser l’existant

L’idée sous-jacente est de contenir le développement dans les limites d’une «agglomération compacte». Il s’agit de valoriser les surfaces déjà urbanisées, les centres existants, les infrastructures et les divers pôles d'activité (congrès, culture, formation, santé, sports, tourisme), ainsi que de contenir l’accroissement des déplacements en intégrant les habitants et les emplois au sein du périmètre de l’agglomération à proximité des transports publics et des services, commerces, écoles et autres. Le développement des transports publics et de la mobilité douce vise à permettre de limiter le transport individuel motorisé. Enfin, le paysage et l’environnement constituent d'autres axes du PALM, qui concernent aussi bien le milieu naturel que les espaces de loisirs en plein air ou les surfaces dédiées à l’agriculture.

À noter que si le PALM en tant que tel concerne l’urbanisme, les transports sous toutes leurs formes ainsi que le paysage et l’environnement, il n’a pas directement pour vocation d’encadrer la construction de logements, mais plutôt de fixer le cadre dans lequel celle-ci s’inscrit. De plus, l’un des intérêts pour les collectivités publiques de structurer
un projet d’agglomération est de pouvoir obtenir des cofinancements de la Confédération. Dans le cas du PALM, cela a notamment concerné des travaux d’infrastructures qui vont de passages piétons au projet de métro M3 (Ouchy-Blécherette).

Les cinq secteurs du PALM

Le périmètre du PALM s’étend sur 26 communes, comprises dans cinq secteurs intercommunaux: Centre Lausanne, Est lausannois, Ouest lausannois, Nord lausannois et Région Morges. Il comprend dix sites de développement prioritaires, choisis pour leur fort potentiel d’urbanisation et leur bonne accessibilité. Le site A est localisé sur les communes de Lausanne et d’Épalinges. Le site B relie les abords de la jonction autoroutière de la Blécherette et du Mont-sur-Lausanne aux Plaines-du-Loup. Le site C longe la ligne Lausanne-Échallens-Bercher (LEB) sur les communes de Lausanne, Romanel-sur-Lausanne et Cheseaux-sur-Lausanne. Le site D, desservi par le métro M1, s’étend sur les communes d’Écublens, Lausanne, Saint-Sulpice et Chavannes-près-Renens.

Le site E1, qui se trouve sur les communes de Lausanne, Prilly et Renens, est appelé à se développer près de la halte de Prilly-Malley ainsi que le long de la ligne du futur tramway t1. Un peu plus loin sur la ligne du futur tramway, le site E2 se trouve sur les communes de Bussigny-près-Lausanne, Crissier et Villars-Sainte-Croix. Le site F est situé entre la jonction de Crissier et le centre de Prilly, sur la future ligne de bus à haut niveau de service t2. Proche du lac, le site G est principalement accessible par la route cantonale qui relie Morges à Lausanne. Enfin, les sites H1 et H2 se trouvent respectivement à l’est et à l’ouest de Morges. Le premier est amené à se développer le long de la future ligne du littoral et le second à s’urbaniser au nord de la jonction autoroutière.

Forte hausse de la construction de logements

À court terme, l’un des signes de la dynamique associée au développement de l’agglomération Lausanne-Morges réside dans la forte hausse de la production de logements attendue cette année et l’an prochain: +62% par rapport à 2016-2017. Le Nord lausannois (+100%), la Région Morges (+124%) et l’Ouest lausannois (+140%) devraient afficher les croissances les plus marquées. La croissance pour le Centre Lausanne devrait être en retrait par rapport à l’ensemble du périmètre, avec +25%. En revanche, dans l’Est lausannois, en raison de projets destinés au développement des infrastructures et d’un marché résidentiel davantage orienté vers le logement en propriété, un recul de la production de 21% est attendu.

Ainsi, quelque 5 000 nouveaux logements devraient sortir de terre entre cette année et l’an prochain dans l’agglomération, soit environ 45% des nouveaux logements en chantier dans le canton. En outre, alors que la construction de logements locatifs est restée en retrait depuis le début du siècle, derrière la construction d’appartements en PPE, elle a pris le relais d’un marché de la propriété individuelle en ralentissement. Environ 80% des nouveaux logements attendus cette année et l’an prochain dans l’agglomération devraient être des logements à louer.

Par ailleurs, 80% de ces derniers devraient être des petites typologies, soit des logements de 1, 2 ou 3 pièces. Cette forte concentration de la production sur les petites typologies est inhérente aux conditions actuelles du marché, soit des loyers de l’offre qui demeurent à un niveau élevé. En effet, il est actuellement plus aisé de louer des logements de petite taille qui affichent des loyers plus bas.

En ce qui concerne les appartements en PPE, les logements de 3 et 4 pièces devraient être privilégiés. Ils représentent environ deux tiers des logements au bénéfice d’un permis de construire accordé.

Effets sur le marché immobilier vaudois

Ce développement de l’offre de logements dans l’agglomération Lausanne-Morges devrait avoir des effets sur l’ensemble du marché immobilier vaudois. L’une des raisons de la dynamique de ce dernier durant les quinze premières années du siècle a été la pénurie de logements. Combiné à des taux d’intérêt bas, cela a contribué à alimenter l’intérêt pour la propriété individuelle. En outre, des prix élevés sur l’Arc lémanique ont poussé de nombreux ménages à chercher à se loger dans l’arrière-pays.

Depuis quelques années, cependant, le marché immobilier traverse une phase d’atterrissage en douceur. La dynamique s’est affaiblie en raison d’un accès à la propriété rendu plus difficile par des prix élevés et par le resserrement entre 2012 et 2014 des critères d’octroi utilisés par les établissements bancaires, afin de stabiliser le marché immobilier et de diminuer le risque d’endettement excessif chez les nouveaux propriétaires. Une lente augmentation du taux de logements vacants, notamment dans les logements en location, a aussi joué un rôle.

Or, le développement de l’offre qui se dessine dans l'agglomération Lausanne-Morges devrait permettre au taux de logements vacants de continuer sa remontée et convaincre certains ménages qui auraient pu déménager dans l’arrière-pays de rester dans la région. Cette nouvelle donne aura donc des effets bien au-delà des limites de l’agglomération. Ceux-ci devraient cependant être contenus par la baisse de la construction de logements en propriété dans de nombreuses régions du canton.

BCV Immobilier, avril 2018