Dans le canton, 28 communes sont concernées par le moratoire sur la construction de nouvelles résidences secondaires, dont 9 dans les Alpes vaudoises.
Très forte augmentation des constructions durant quelques années dans les Alpes vaudoises et stagnation des prix: le succès en mars 2012 de l’initiative Weber pour l’interdiction de la construction de nouvelles résidences secondaires a eu pour effet de déséquilibrer ce marché, en particulier dans les stations de montagne. Il semblerait cependant que l’offre et la demande soient en passe de se rééquilibrer ces prochaines années. Avec une inconnue: les effets sur ce marché de la pandémie de coronavirus. Si, à court terme, un repli de la demande est vraisemblable, à plus long terme, en fonction de l’évolution de la situation économique et d’autres paramètres, l’intérêt d’un pied-à-terre en montagne pourrait être soutenu, notamment, par le développement du télétravail.
Concrètement, l’initiative Weber et la loi d’application interdisent – à de rares exceptions près – la construction de nouvelles résidences secondaires dans les communes dans lesquelles leur part dépasse 20% du nombre de logements. Après l’adoption par le peuple, les objets qui pouvaient encore être érigés, en fonction de permis de construire ou de droits acquis, l’ont été rapidement. Cela s’est traduit en 2014 et 2015 par une hausse de 135% en moyenne par rapport aux années précédentes du nombre de nouvelles résidences secondaires mises sur le marché dans les communes touristiques des Alpes vaudoises. La hausse a été très forte dans les appartements en propriété par étages (PPE), dont les prix ont depuis stagné dans ces communes.
Il reste que, si 9 communes des Alpes vaudoises étaient très concernées par l’initiative Weber et son résultat, elles n’étaient de loin pas les seules dans le canton: 19 autres localités dans lesquelles le moratoire sur la construction de résidences secondaires s’applique se trouvent près des lacs ou dans le Jura vaudois. Toutefois, ces 28 communes ne comptent que pour un tiers (18 350 objets) des résidences secondaires du canton, les deux autres tiers (40 700) se situant ailleurs, notamment dans les grandes agglomérations urbaines. Ainsi, la commune comptant le plus de résidences secondaires n’est autre que… Lausanne (9680, 12,3% des logements), 2,6 fois plus qu’Ollon (3724, 54,2%), qui est pourtant l’une des communes les plus importantes des Alpes vaudoises.
La liste des communes concernées par l’initiative Weber est revue annuellement sur la base de données communales, cela au gré des constructions, des transferts de propriété, mais également des éventuelles fusions de communes. Ainsi, 13 communes ont quitté cette liste, alors que 6 y ont fait leur entrée, mais sans que cela change fondamentalement la situation.
Le regroupement des communes dans lesquelles le seuil de 20% est franchi en deux périmètres, «Alpes vaudoises» et «Lacs et Jura», reflète aussi des réalités touristiques différentes: davantage orientées sur le tourisme hivernal pour le premier que pour le second. D’ailleurs, sur le plan suisse, la grande majorité des communes concernées par l’initiative Weber se situent dans les Alpes, les principales (par le nombre de résidences secondaires) portant des noms comme Crans-Montana, Davos, Bagnes, Nendaz ou Anniviers.
Une autre différence entre les deux groupes réside dans la part moyenne de résidences secondaires: 56,5% dans les Alpes vaudoises et 22,8% dans le groupe «Lacs et Jura». Le premier périmètre est donc plus affecté par cette modification législative, qui équivaut en pratique à diviser par deux la construction de logements. En anticipation de cela, les demandes de permis de construire ont bondi dans le périmètre «Alpes vaudoises» l’année de la votation. En termes de montant des travaux prévus, ils sont passés pour les nouvelles constructions d’environ 170 millions de francs les années précédentes à 428 millions de francs en 2012. Même constat dans les transformations et rénovations (de 28 millions à 44 millions). En revanche, logiquement, des replis substantiels ont été constatés à partir de 2013, à environ 110 millions par an au total. Pour le périmètre «Lacs et Jura», le constat est différent, avec des investissements prévus relativement stables dans le logement en 2012.
Ces pics de demandes de permis de construire en 2012 se sont traduits par une hausse du nombre de nouveaux logements en propriété mis sur le marché en 2014 et 2015 dans les Alpes: 80 nouveaux appartements en PPE de plus que les quatre années précédentes (320 contre 240). Tous n’étaient pas des résidences secondaires et le nombre exact de ces dernières n’est pas connu. En se basant sur une production similaire à la proportion recensée en 2020 (56,5%), on peut estimer que la commercialisation de lots de PPE neuves destinées à la résidence secondaire a triplé en 2014 et 2015 par rapport aux années précédentes: 133 objets par année contre 33 historiquement. Avant de chuter à pratiquement zéro les années suivantes, évidemment.
À supposer que la demande soit constante, huit années sont nécessaires pour absorber cette forte production, soit jusqu’à fin 2021. Enfin, si la production de logements en PPE a atteint des sommets entre 2014 et 2015 dans les Alpes vaudoises, celle de maisons familiales a baissé.
La demande pour des résidences secondaires diffère sensiblement de celle pour des résidences principales. Elle est géographiquement beaucoup plus large et une partie provient de personnes qui résident à l’étranger. Si ces acquisitions sont contingentées par la Lex Koller, on assiste aussi à une baisse marquée à partir de 2011, en partie liée au renchérissement du franc suisse. La moyenne est ainsi passée d’environ 120 transferts de propriété par année dans le canton entre 2006 et 2010 à 15 à partir de 2011.
S’agissant de la demande indigène, du fait des exigences de fonds propres plus élevées que lors de l’achat d’une résidence principale, entre 30% et 50% de la valeur de nantissement, la fortune disponible pour l’achat devient déterminante. En raison de la hausse des prix, la part des ménages suisses ayant une fortune suffisante (c’est-à-dire couvrant au moins 30% de fonds propres) pour un logement en PPE standard dans les Alpes vaudoises a reculé, passant de 26% en 2003 à 19% en 2012. Depuis 2012, du fait d'un fléchissement des prix, la capacité d’acquisition a légèrement progressé. Pour un chalet standard, si l’évolution historique ressemble à celle des logements en PPE, la capacité d’acquisition est en retrait en raison de prix d’achat plus élevés.
De 2000 à 2011, les prix ont évolué de façon similaire dans les périmètres «Alpes vaudoises» et «Lacs et Jura», ainsi que dans le reste du canton. Ensuite, à partir de 2012, les prix des appartements en PPE ont stagné dans les Alpes vaudoises, en raison de la hausse de la production, mais aussi de l’affaiblissement de la demande étrangère. En ce qui concerne le périmètre «Lacs et Jura» et le reste du canton, les prix des PPE ont augmenté d’environ 20%, en lien notamment avec le bas niveau des taux hypothécaires et un repli de la production.
Pour la villa standard, la votation sur les résidences secondaires n’a pas entraîné d'augmentation sensible de la production et l’évolution des prix depuis 2012 a été moins disparate, +4% dans les Alpes vaudoises et +7% dans le périmètre «Lacs et Jura». Quant à la hausse plus rapide en moyenne vaudoise (+11%), elle est principalement due à la forte progression des prix dans l’agglomération lausannoise.
Initiative weber et Loi sur les résidences secondaires
La Loi fédérale sur les résidences secondaires (Lex Weber) résulte de l’initiative populaire «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires», dite initiative Weber ou initiative contre les résidences secondaires. Accepté le 11 mars 2012, le texte est entré en vigueur le 1er janvier 2013, via l’Ordonnance sur les résidences secondaires. Cette dernière a été remplacée le 1er janvier 2016 par la Loi fédérale sur les résidences secondaires.
La législation définit les conditions pour la construction de nouveaux logements et la modification de logements existants dans les communes qui comptent une proportion de résidences secondaires supérieure à 20%. Elle distingue trois utilisations:
Dans les communes concernées, de nouveaux logements ne peuvent être autorisés qu’à la condition d’être utilisés comme résidence principale ou d’être affectés à l’hébergement touristique, c’est-à-dire proposés sur le marché pour des séjours de courte durée de manière durable et à des conditions usuelles.
D’autres critères distinguent les hébergements touristiques des résidences secondaires louées occasionnellement: ils doivent être situés dans le même bâtiment que celui où le propriétaire a son domicile principal, ou alors ne pas être équipés en fonction des besoins personnels du propriétaire.
Toutefois, dans certains cas exceptionnels, la création de nouvelles résidences secondaires peut être autorisée, notamment pour générer des revenus supplémentaires pour garantir la rentabilité d’hébergements organisés ou pour permettre la conservation de bâtiments protégés ou caractéristiques du site en l’absence d’alternatives. Certaines exceptions existent aussi pour des droits préexistants (certains plans d’affectation et, sous certaines conditions, des autorisations de construire).