La hausse des prix de l’immobilier en propriété individuelle s’est poursuivie en 2019. La dégradation de la situation économique devrait tempérer la demande.
Le marché immobilier n’échappera pas, lui non plus, aux effets de la crise du coronavirus. La chute de l’activité économique, avec un PIB vaudois attendu en baisse de 5,5% cette année, et la dégradation du marché de l’emploi, avec, en avril, près de 150 000 personnes au chômage partiel dans le canton et une hausse de 44,7% en rythme annuel du nombre de sans-emploi, combinées à une grande incertitude en ce qui concerne l’évolution de la situation durant les mois ou les trimestres à venir, pèsent sur le moral des acheteurs. De plus, la construction fait face à des coûts supplémentaires induits par les mesures de protection sur les chantiers. Si le degré de risque a augmenté, une chute brutale du marché n’est pas à l’ordre du jour, certains facteurs de soutien restant présents.
Par rapport aux années précédentes, le contraste est saisissant. Les taux d’intérêt bas et la bonne situation économique portaient le marché immobilier. Certes, la dynamique n’était plus la même qu’entre 2004 et 2012, période durant laquelle les prix de l’immobilier progressaient fréquemment de plus de 8% par an. Le niveau élevé des prix a réduit le nombre d’acheteurs potentiels, mais l’offre s’est adaptée. Avec une hausse de 2,8% pour les maisons familiales individuelles (MFI) en 2019 et de 2,3% pour les appartements en propriété par étages (PPE), selon les indices de Wüest Partner, les prix de l’immobilier ont globalement atteint dans le canton un niveau record depuis le début du siècle.
Entre-temps, l’épidémie de coronavirus, les mesures de confinement prises pour la combattre et les effets de ces dernières sur l’économie ont sensiblement fait évoluer la situation. Principalement, la chute de la confiance des consommateurs et une possible dégradation de leur situation financière (cf. page suivante) sont de nature à peser sur la demande. Sans pour autant être devenue une entrave, la démographie ne devrait guère constituer un facteur de soutien: la croissance de la population s’est tassée à 0,7% par an en 2018 et 2019 (en moyenne 5850 nouveaux habitants par année) et il est peu probable que la dynamique accélère de nouveau à court terme. À titre de comparaison, entre 2013 et 2017, la population vaudoise avait augmenté en moyenne de 1,7% (12 880 personnes) par an.
À l’inverse, les taux d’intérêt restent bas et constituent toujours un facteur de soutien. Certes, ils sont un peu remontés depuis le début de la crise du coronavirus, le rendement des obligations de la Confédération à 10 ans étant passé de -0,9% début mars à -0,3% un mois plus tard, avant de se replier à -0,5% début mai. La hausse de mars s’explique surtout par des ventes forcées sur fond de krach boursier par des investisseurs appelés à apporter des liquidités supplémentaires en garantie. En outre, aucune pression inflationniste ou accélération de la conjoncture ne se profilent à l’horizon, qui pourraient pousser les taux à la hausse.
Dans l’immobilier en propriété individuelle, MFI et PPE, la construction de nouveaux logements se poursuit à un rythme modéré, à environ 1900 objets par année ou un tiers du total. Les deux autres tiers sont constitués par des appartements en location dont la part dans les nouveaux logements a doublé depuis 2015. Sur les cinq dernières années, le nombre total de nouveaux logements reste quant à lui relativement stable à un niveau élevé, soit environ 5600 par année. Malgré cela, le taux de logements vacants est resté inchangé, à 1,1% au 1er juin 2019. Sur le long terme, la détente est toutefois marquée: en 2009, le taux de logements vacants était tombé à 0,4%. Quant aux loyers des logements proposés sur le marché, ils ont reculé de 2,7% en 2019, portant la baisse cumulée depuis 2014 à 18,6%.
Malgré cela, du fait des taux d’intérêt très bas, l’immobilier de rendement est prisé par les investisseurs institutionnels, mais aussi par certains particuliers. Le canton de Vaud n’est pas seul concerné: les prix des immeubles de rendement ont augmenté de 5% dans le pays l’an dernier, alors que les loyers de l’offre baissent et que certains cantons connaissent des taux de vacance élevés. Les autorités, la Banque nationale suisse ou l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) craignent une correction des prix et ont appelé tous les acteurs du marché à faire preuve de prudence. L'Association suisse des banquiers a, quant à elle, resserré ses directives en matière de financement des immeubles de rendement.
Si les indices immobiliers du premier trimestre ne laissent pas entrevoir de signes des mesures de confinement, un ralentissement généralisé est vraisemblable, même si son ampleur est difficile à évaluer. En ce qui concerne la propriété individuelle, les taux d’intérêt demeurent bas et l’offre est restreinte; à l’inverse, la démographie est peu dynamique et la demande sera contenue par la situation économique. Une poursuite de la hausse des prix observée ces dernières années semble difficile. Dans le segment locatif, la demande est toujours forte, mais la production est aussi importante. Enfin, dans les surfaces commerciales, plusieurs effets se combinent: les mesures de distanciation, la baisse du moral des consommateurs, la dégradation des perspectives conjoncturelles et les changements structurels, comme la progression des ventes en ligne.