Des surcoûts et des délais sont possibles en raison de la hausse des prix et de l’allongement des délais de livraison de matériaux de construction.
Le confinement du printemps 2020 et les mesures de protection ont provoqué des retards sur certains chantiers. Maintenant, c’est la reprise économique qui provoque d’autres retards…
Des goulets d’étranglement dans les chaînes logistiques, hérités de la crise du COVID-19, allongent les délais de livraison de matières premières ou de matériaux de construction. Les stocks sont bas. Des économies telles que les États-Unis ou la Chine sont avides de matériaux de construction. Les prix flambent. Et les entrepreneurs doivent anticiper leurs commandes, observe la Commission Conjoncture vaudoise dans son point de situation trimestriel sur la construction.
Pour celles et ceux qui attendent la livraison de leur nouveau «home, sweet home», cette situation n’est pas sans conséquence. En effet, aussi douillet que soit leur futur nid, il n’en est pas moins un assemblage de béton, d'acier, de bois, de tubes en plastique et d’isolants, notamment. Retards et surcoûts pourraient donc venir toquer à la porte.
Certains cas sont relatés dans les médias. Ainsi, comme le rapportait début octobre le quotidien 24 heures, des entreprises actives dans la construction d’un nouvel hôtel de police à Nyon ont informé la municipalité de hausses des prix, liées à l’augmentation des prix de leurs fournitures, et fait part du risque de retards.
Résultat: l’indice des prix de la construction a augmenté de 1,2% entre octobre 2020 et avril 2021. Cette hausse peut sembler mesurée, mais les coûts de la construction stagnent depuis l’automne 2008 et il s’agit de sa plus forte progression en dix ans. De plus, durant les six mois précédents, marqués par le recul de l’activité lié au semi-confinement printemps, ils avaient fléchi de 0,3%.
Pour certaines matières premières, la hausse est beaucoup plus forte. Par exemple, l’acier. Entre mai 2020, et la réouverture des économies après le confinement du printemps, et août 2021, les prix à l’importation pour les métaux ont grimpé de près de +61%, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS). Cette hausse est particulièrement forte: traduite en rythme annuel, elle s’inscrit à 46%, contre seulement 24% lors de la dernière forte hausse, entre janvier 2004 et novembre 2006.
Si la demande est importante, plusieurs facteurs liés à l’offre participent aussi au renchérissement de l’acier, entre autres une production mondiale d'acier brut qui a diminué de 0,9% en 2020, ainsi que la perturbation de la production minière et la congestion de ports importants, en lien notamment avec la situation sanitaire.
Or, l’acier et le béton sont les deux faces d’une même pièce dans la construction contemporaine. En Suisse, selon Baublatt, plus de 50% des charpentes sont en béton, avec une légère progression de cette part au cours de la dernière décennie. Ce matériau est généralement associé à des armatures en acier. Le béton affiche une bonne résistance à la compression, tandis que l’acier répond aux contraintes de traction.
Une évolution similaire a été observée avec le bois. Toutefois, selon l’indice des prix à l’importation, le renchérissement est moins accentué que dans le cas de l’acier: +18% entre mai 2020 et août 2021. La volatilité du prix de ce matériau est plus contenue, sa production étant plus répartie. De même, les prix des tubes en plastique ont augmenté de 34%, ceux des tuyaux de 21% et les éléments en matière plastique de 9%. Selon la Fédération vaudoise des entrepreneurs, divers produits chimiques que l’on retrouve dans de nombreux matériaux de construction (colles, peintures, etc.) sont également concernés. En revanche, les prix des autres matériaux de construction sont plus stables. Ainsi, les prix des produits pour la construction en terre cuite, béton, ciment et plâtre n’ont augmenté que de 3%, selon l'OFS. À noter toutefois que ces matériaux ont régulièrement renchéri depuis 2016, de 10% à 20% en cinq ans.
Si les exportateurs de matériaux ont intérêt à voir la situation se normaliser, celle-ci pourrait encore perdurer quelques trimestres. Et ce, d’autant plus que la demande reste forte. Le bas niveau des taux d’intérêt ainsi que le besoin de nouveaux logements soutiennent les investissements dans la construction, qu’il s’agisse de nouvelles constructions ou de rénovations. De plus, les besoins – et les incitations sous forme notamment de subventions de l’État ou de conditions préférentielles de la part des instituts financiers – pour l’assainissement écologique des logements et des locaux commerciaux contribuent également à soutenir la demande pour des travaux dans le bâtiment.
Les différentes formes de contrats
Pour la réalisation d’un ouvrage, à l’exemple d’une villa, un large éventail de prestataires est nécessaire tant pour la conception (architectes, ingénieurs civils, techniciens de l’énergie, etc.) que pour sa construction (maçons, menuisiers, charpentiers, électriciens, installateurs sanitaires, carreleurs, etc.). Pour cette liste non exhaustive d’entreprises, il est indispensable de solliciter des offres en précisant le cahier des charges, d’adjuger et de planifier les travaux, d’assurer un suivi de la réalisation et, enfin, un contrôle des coûts et des paiements.
Ces tâches requièrent des connaissances larges et l’expérience est précieuse; il convient de bien, de très bien, réfléchir à qui portera la casquette de maître d’œuvre, s'agissant de l’un des plus importants investissements d'une vie. La direction des travaux peut être assurée par de nombreux acteurs sous des variantes diverses. D’un point de vue juridique, le contrat de mandat (service sans promesse d’un résultat) se distingue du contrat d’entreprise (exécution d’un ouvrage). À l’exemple de notre villa, de nombreuses variantes contractuelles sont possibles. Toutefois en Suisse, trois demeurent courantes:
Dans un contrat d’entreprise, le prix n’est pas le seul élément essentiel du contrat; une définition précise de la prestation, le délai de livraison ou la désignation des parties sont aussi importants. Il existe plusieurs façons de définir le prix:
Il y a donc fort à parier que la situation ne se normalisera que progressivement. Dès lors, la question de savoir qui, du maître d’ouvrage ou du prestataire, assumera les éventuels surcoûts liés aux matériaux et aux retards restera d’actualité pendant un certain temps. L’organisation du chantier et la nature du contrat signé avec le ou les prestataires fournissent une partie de la réponse (cf. encadré ci-dessus).
Certains types de contrats – les contrats forfaitaires et unitaires – favorisent les clients ayant commandé des prestations avant la hausse des prix des fournitures et des matières premières. Cependant, de nombreux contrats prévoient des clauses permettant des adaptations de prix en cas de situation exceptionnelle. Or, la situation actuelle en a certaines caractéristiques. Plutôt que de s’engager dans des palabres, voire un bras de fer, il est préférable que les parties puissent se mettre autour de la table pour trouver une solution. De plus, l’avantage du prix fixe peut être à double tranchant: il peut mettre dans une mauvaise posture un prestataire dont les marges sont insuffisantes et ne permettent pas de faire face à un surcoût. Corollaire, la bonne solvabilité des mandataires et des entreprises œuvrant à la réalisation de l’ouvrage est une condition clé.
L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs: un outil redoutable contre les impayés
En cas d’impayé, l’entreprise lésée peut recourir à une inscription au registre foncier, grevant le bien-fonds pour le montant de sa prestation. Cette inscription à la charge du propriétaire doit être requise et inscrite dans un délai de quatre mois après l’achèvement des travaux. Cette mesure initialement provisionnelle est statuée par un juge conformément à des conditions procédurales allégées. En général, la production de la facture en souffrance suffira à l’obtention de l’inscription provisoire.
Particularité de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, cette dernière peut être inscrite en l’absence d’un contrat formel entre l’entreprise et le propriétaire. Notamment, lorsque ce dernier a conclu un contrat d’entreprise générale ou totale et que l’un ou plusieurs des sous-traitants n’ont pas été rémunérés pour les travaux réalisés. Notons que cette «assurance» pour le constructeur se limite à certaines prestations du contrat d’entreprise et exclut celles du mandat. Lorsque l’inscription est définitive, soit validée par un juge dans le cadre d’une procédure ordinaire, elle offre à l’entreprise ou à l’artisan une position privilégiée.
Des ménages ont fait la cruelle expérience de cet outil, en payant deux fois une partie ou la totalité des coûts de construction de leur logement. Une première fois lors du paiement des échéances de l’entreprise générale ou totale, puis une seconde fois, en rémunérant les différents artisans et entrepreneurs qui ont œuvré à la réalisation. L’entreprise générale ou totale ayant entre-temps mis la clé sous la porte.
Toutefois, il existe des moyens de se prémunir contre ces inscriptions: en exigeant une garantie bancaire qui servira de caution en cas d’hypothèque légale des artisans et entreprises, ou en exigeant une preuve du paiement des sous-traitants avant rémunération des échéances de l’entreprise générale ou totale. Bien entendu, dans le cadre d’un mandat ou contrat d’architecte, le maître d’ouvrage étant lié avec des contrats distincts et séparés, le risque est limité. Tout au plus, il est contenu à la sous-traitance éventuelle de certaines prestations. Par exemple lors du ferraillage d’un ouvrage en béton, qui aurait été sous-traité par l’entreprise de gros œuvre.