La Broye-Vully bénéficie de prix de l’immobilier plus bas que dans l’Arc lémanique, de suffisamment de biens disponibles, de la proximité des lacs de Neuchâtel et de Morat, ainsi que de la campagne à deux pas.

DANS LE CANTON 25 juin 2023
Mots-clés:

Broye-Vully: attrait au-delà des frontières vaudoises

La Broye-Vully fait partie des districts vaudois qui attirent le plus de nouvelles habitantes et de nouveaux habitants depuis le début du siècle. Sur quinze ans, elle se classe même première, grâce à l’intérêt des Vaudoises et des Vaudois, mais aussi de personnes venant des cantons voisins, Fribourg, Neuchâtel et Berne.

Une solide dynamique démographique

Depuis quinze ans, la Broye-Vully est la championne de la croissance démographique dans le canton, avec une population en hausse d’un tiers. Parmi les communes qui se sont le plus développées, Cudrefin et Vully-les-Lacs illustrent les attraits de la région. Il y a la proximité des lacs de Neuchâtel et de Morat, ainsi que la campagne à deux pas. Pour les services d’un centre urbain, les habitantes et les habitants peuvent choisir entre Lausanne et Fribourg.

Bien que l’accès en transports publics soit encore perfectible ­– seuls les centres de Payerne et de Moudon disposent d’une bonne desserte selon l’Office fédéral du développement territorial –, la mobilité s’est améliorée avec l’ouverture du tronçon Yverdon-Morat de l’A1 en 2001 et le passage à la cadence de la demi-heure du RER de la Broye en 2015. Enfin, une offre de terrains suffisante et des prix de l’immobilier 30% plus bas que la moyenne cantonale (lire aussi en page 14) expliquent également l’intérêt des ménages pour la Broye-Vully. Plus récemment, le développement du travail à distance, favorisé par la crise sanitaire, leur a aussi permis de s’éloigner un peu plus de leur lieu de travail.

Ce district n’est cependant pas uniforme. Il s’étend, sur une cinquantaine de kilomètres, des bois du Jorat au nord de Lausanne avec les communes de Corcelles-le-Jorat et de Ropraz, jusqu’au nord du lac de Neuchâtel et au lac de Morat, avec Avenches, Cudrefin, Faoug et Vully-les-Lacs. Ces deux extrémités sont reliées par un cours d’eau, la Broye, qui part des Préalpes fribourgeoises et se jette dans le lac de Morat. Le territoire est enchevêtré avec celui du canton de Fribourg, avec de nombreuses enclaves: l’autoroute, la route de Berne et la voie ferrée traversent d’ailleurs la frontière cantonale à plusieurs endroits.

Fortement résidentiel

Le district n’a pas vraiment de centre, mais abrite plusieurs communes d’une certaine importance qui jouent localement ce rôle: Moudon, Lucens, Payerne (le chef-lieu du district) et Avenches. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), la majorité des habitantes et des habitants du district résident dans des communes périurbaines de faible densité et rurales en situation centrale (58%). À l’échelle du canton de Vaud, cette part n’est que de 14%. Ainsi, la population broyarde habite dans des communes fortement résidentielles, notamment caractérisées par une part élevée de villas parmi les logements.

L’essor démographique de la Broye-Vully est récent. Avant 2008, la hausse de la population concernait en premier lieu les zones périurbaines et le district, plutôt rural, était en retrait. Avec la hausse des prix de l’immobilier et la pénurie de logements, les ménages ont recherché des régions dans lesquelles les prix de la propriété étaient plus bas que, par exemple, dans l’Arc lémanique et offrant suffisamment de biens disponibles. Le Gros-de-Vaud, notamment, jouait déjà ce rôle et les ménages ont découvert que la Broye-Vully pouvait aussi répondre à leurs aspirations.

Résultat: depuis le début du 21e siècle, la Broye-Vully (+50%) se classe dans le trio de tête en termes de croissance démographique dans le canton, aux côtés des districts du Gros-de-Vaud (+51%) et de Nyon (+48%). L’accélération depuis 2008 est notamment liée à une forte hausse de l’activité de construction: les quatre cinquièmes des 15 400 nouvelles habitantes et nouveaux habitants du district depuis 2000, soit le quart de sa population en 2022, s’y sont installés au cours des quinze dernières années.

Aussi depuis Fribourg, Neuchâtel et Berne

Enfin, si, en moyenne sur l’ensemble des districts, la progression de la population a été soutenue à raison de trois quarts par le solde migratoire (en provenance d’un autre district, canton ou pays) depuis le début du siècle, cette part dépasse les quatre cinquièmes dans la Broye-Vully.
Cette situation n’est pas exceptionnelle, et des districts comme le Jura-Nord vaudois et ceux de l’est lémanique (Aigle, Lavaux-Oron, Riviera-Pays-d’Enhaut) affichent également une part du solde migratoire dans l’augmentation de la population de plus de 80%; ce qui l’est plus, c’est la provenance des nouveaux habitants et habitantes. La proximité des cantons de Fribourg, Neuchâtel et même Berne se traduit par une demande intercantonale plus importante.

Selon un recensement à l’échelle des districts des demandes de financement adressées entre 2010 et 2021 à la Banque, la part sur le plan cantonal des acquisitions réalisées par des personnes venant d'un autre canton s’élève à 13% dans le cas des villas et à 17% pour les logements en propriété par étages (PPE). Dans la Broye-Vully, ces parts grimpent à 23% pour les villas et à 30% pour les PPE. Même le district d’Aigle, qui dispose d’un vaste marché de montagne avec ses nombreuses résidences secondaires, n’affiche pas des parts aussi élevées.

Parmi les personnes venant d’un autre canton, la moitié vient de celui de Fribourg (45%), un sixième de celui de Neuchâtel (16%) et un septième de celui de Berne (14%). Le quart restant provient d’ailleurs en Suisse, en particulier des cantons de Genève et du Valais. La majorité des acquéreurs sont toutefois vaudois, ils viennent soit du district lui-même, soit d’autres districts. Dans le cas des logements en PPE, la part des transferts la plus élevée concerne des acquéreurs venant d’autres districts du canton.

Villas recherchées

Le district de la Broye-Vully compte environ 23 000 logements et son offre se caractérise par des parités. Parité entre les logements locatifs et les logements en propriété et, pour ces derniers, parité entre les villas et les logements en PPE. Cette configuration permet au district de disposer de l’une des parts les plus importantes en ce qui concerne les villas. Seul le district du Gros-de-Vaud fait mieux avec environ un tiers de ses logements.

Cette forte proportion pourrait expliquer en partie le succès démographique de ces deux districts qui affichent les progressions les plus soutenues. En effet, la répartition de la demande de la Broye-Vully tranche singulièrement avec son offre. Si la villa ne représente qu’un quart des logements du district, trois cinquièmes des recherches de logement sont effectuées sur ce segment. Notons que cette tendance s’est renforcée à la suite de la crise sanitaire: les ménages ont passé plus de temps chez eux et l’intérêt pour des surfaces extérieures a augmenté.

Les demandes de financement montrent également que le marché de la propriété dans la Broye-Vully est l’un des plus petits, sa part s’élevant à 6% du total cantonal. Concernant les logements acquis dans le district, léger avantage à la villa avec 56% en moyenne entre 2010 et 2021, contre 44% pour le logement en PPE. Toutefois, cette tendance s’est inversée vers la fin de la période, la part des logements en PPE ayant été très légèrement supérieure sur les deux dernières années observées. Notons que, à l’échelle cantonale, seuls quelque 40% des logements en propriété acquis sont des villas.

Le conseil de Mark Twain

L’écrivain américain Mark Twain écrivait au 19e siècle «Buy land, they’re not making it anymore», ou «achetez des terres, on a arrêté d’en produire» pour décrire le côté inextensible du terrain. De ce fait, la croissance démographique et le développement territorial doivent être encadrés. Le réchauffement climatique ajoute une contrainte supplémentaire. Responsable sur le plan national d’un quart des émissions de CO2, le bâti est amené à jouer un rôle substantiel dans la réduction de l’empreinte carbone via notamment l’amélioration de son efficience énergétique. De plus, l’immobilier est lié à la mobilité, qui représente, quant à elle, un tiers des émissions de CO2. L’objectif de l’aménagement du territoire est donc de privilégier le développement le long des axes de mobilité douce et de transports publics.

En Suisse, la première loi sur l’aménagement du territoire (LAT), qui comportait le principe d’une utilisation mesurée du territoire, a été mise en vigueur en 1980. Or, le mitage du territoire n’a cessé de progresser. Selon l’OFS, les surfaces dédiées à l’habitat et aux infrastructures ont augmenté de 0,8% par an dans le pays, tandis que les surfaces agricoles ont reculé de 1,1% par an. La révision de la LAT, acceptée en votation populaire en mars 2013, a pour but de corriger cette tendance, en limitant le mitage du territoire et l’extension des surfaces urbanisées. Dans les grandes lignes, il s’agit de densifier, d’exploiter les brèches et de reconvertir les friches industrielles.

Une croissance démographique qui devrait s’affaiblir

Les principales mesures adoptées sont le prélèvement d’une taxe sur la plus-value et la réduction des zones à bâtir surdimensionnées, avec pour limite la capacité d’accueil des habitantes, des habitants et des emplois prévus pour les quinze prochaines années. Sur le plan vaudois, l’inventaire des réserves de zones à bâtir dans les 318 communes que comptait alors le canton a été publié en mai 2015: 245 d’entre elles, soit 77%, affichaient des surcapacités foncières. S’agissant du district de la Broye-Vully, la part était de plus de 90%, soit 32 des 35 communes. Seules trois disposaient de zones constructibles en adéquation avec la projection à quinze ans: Lucens, Corcelles-près-Payerne et Cremin, qui a depuis fusionné avec Lucens.

La version en vigueur du Plan directeur cantonal, approuvée par la Confédération en novembre 2022, fixe la croissance annuelle maximale par type d’espace, soit +0,75% pour les villages et les quartiers hors centre, +1,5% pour les centres locaux et les localités à densifier et +1,7% pour les centres régionaux. Sur une projection à quinze ans avec 2015 comme année de référence, ces croissances maximales s’échelonnent jusqu’en 2030 entre 12% et 29%.

Or, depuis 2015, la Broye-Vully est le district vaudois qui affiche la croissance la plus soutenue: sa population résidente permanente a crû de 14%, ou de 1,9% par an, soit bien plus que les limites de la planification cantonale. De plus, près des trois quarts de la population sont implantés en zone rurale (60%) et en zone périurbaine (12%), soit dans des zones dans lesquelles les limites de croissance sont plus basses. Cela devrait entraîner, à moyen terme, un rétrécissement des réserves constructibles et peser sur la production de logements. Le fort développement démographique broyard constaté ces quinze dernières années est ainsi amené à s’estomper.