Le but de la méthode lean start-up, basé sur le partage, est de simplifier le développement du projet.
Codévelopper un produit ou un service avec ses clients… c’est la philosophie de la méthode lean start-up, née dans la Silicon Valley et aujourd’hui largement prônée par les start-up. Bastien Bovy, cofondateur de Dyod, start-up dans l'immobilier, et précédemment coach pour GENILEM, explique en quoi cette approche est innovante et dans quelle mesure elle peut intéresser une PME.
Comment définiriez-vous la méthode lean start-up ?
Bastien Bovy: En deux mots, c’est pouvoir proposer intelligemment un nouveau produit ou service de manière à ce qu’il corresponde à un besoin réellement existant, ce qui revient à co-construire la prestation avec son client.
L’entreprise peut partir d’un besoin identifié ou d’une hypothèse, l’important est d’aller vérifier très rapidement si le besoin existe vraiment sur le terrain.
C’est cette rapidité qui définit la spécificité de la méthode, par rapport à des études de marché traditionnelles?
Oui effectivement, le lean start-up suppose de mener son étude de marché avant même le développement informatique du projet par exemple. Cela permet de savoir dès le début si la proposition imaginée par l’entreprise est la bonne et présenter au final une offre avec une solide valeur ajoutée. Ce type de processus peut se poursuivre ensuite durant tout le développement. La règle principale est de se confronter – quasi en permanence– à des panels de clients et utilisateurs potentiels, de demander leur avis et de les faire réagir.
Cela suppose-t-il des outils ou des compétences particulières?
Il existe une pléthore d’ouvrages théoriques sur le lean start-up, des MOOC (cours en ligne), des vidéos, des conférences… La théorie est accessible à tous. Cette méthodologie ne nécessite pas de compétences techniques particulières, par contre elle exige du porteur de projet d’avoir le cran et l’ouverture d’esprit de s’exposer aux remarques et aux critiques. Ce qui compte ici ce sont donc plutôt les compétences interpersonnelles, les fameuses «soft skills»: une très grande capacité d’écoute, de vulgarisation, de synthèse.
Quels sont les obstacles à la pratique du lean start-up dans les entreprises traditionnelles?
Les PME ont encore souvent tendance à d’abord développer une solution et à aller la vendre ensuite, plutôt que de la co-construire avec leurs futurs clients. Elles craignent de présenter quelque chose qui ne serait pas fini. De plus, beaucoup d’entreprises ont la culture du secret, or le lean start-up suppose un changement d’approche et de mentalité à ce niveau-là. Il est issu de la côte ouest des Etats-Unis où l’entrepreneuriat est basé sur le partage, alors qu’en Suisse, la culture du brevet domine encore. Il faut comprendre qu’il est possible de parler d’un projet sans entrer dans ses aspects techniques, et que, le plus important, ce n’est pas d’être le premier à développer quelque chose, mais de le faire en cohérence avec les attentes du marché, voire directement avec ses futurs utilisateurs. Il est dommage d’investir des ressources et du temps, pour au final, rater sa cible.
Le lean start-up implique donc d’accepter que son projet connaisse un développement très différent de l’idée de départ?
Oui, le but de ce type de méthode est de simplifier le développement du projet, d’aller à l’essentiel, de ne pas créer toutes les fonctionnalités d’un produit par exemple mais de cerner celles qui sont nécessaires au moment où il naît.
Pour prendre un cas concret, au début de la vague des bracelets connectés, l’essentiel pour les utilisateurs était de compter leur nombre de pas par jour et leurs heures de sommeil. Au fil des années des fonctionnalités se sont ajoutées: calories dépensées, reconnaissance du type d’activité pratiquée, etc. Le produit a été affiné selon les besoins. Vouloir intégrer toutes ces fonctionnalités au départ aurait ralenti le lancement de l’objet. Sans compter que pour toute innovation, un temps d’éducation et de familiarisation des consommateurs est nécessaire. Il faut donc savoir se concentrer sur l’essentiel et offrir un seul message-clé, aisément identifiable.
Comment construire cette relation avec les utilisateurs?
Tout dépend du domaine d’activité. Si c’est un produit grand public, il faut élaborer une communauté d’utilisateurs via les réseaux sociaux et écouter les retours par ce biais. Dans le B2B, le contact humain est à privilégier: visites aux clients, foires, salons professionnels… Dans tous les cas, il s’agit d’être à l’écoute des feedbacks quels qu’ils soient, et être ensuite prêt à s’ajuster très vite, à adapter son produit. Dans les retours clients, on décèle parfois des éléments d’amélioration très importants de façon indirecte. Suivre le client est essentiel, car au final, c’est lui qui détient l’information permettant de faire évoluer le produit ou les prestations.
Propos recueillis par Camille Andres, rédactrice, pour la BCV (publié le 1er juin 2016 sur www.bcv.ch)