Les Etats-Unis entendent se passer du pétrole iranien, mais leur production de schiste ne parvient pas actuellement à satisfaire la demande. A moins d'aller puiser dans la réserve pétrolière stratégique du pays.
Avec ses nouvelles sanctions contre l’Iran, Donald Trump affiche son ambition de réduire à zéro les exportations d’or noir de Téhéran. Toutefois, alors que Washington pensait pouvoir combler le manque iranien et éviter de propulser les prix du baril à des sommets dangereux pour la croissance mondiale, la partition a soudainement changé. Les Etats-Unis ne semblent en effet actuellement plus en mesure de réaliser cette ambition, à moins de puiser dans les réserves pétrolières stratégiques du pays.
Depuis des années, l’Agence de l’Information Energétique Américaine (EIA) claironne l’embellie du pétrole de schiste. Dans les plans du président américain, la croissance continue du schiste devait compenser la baisse des exportations iraniennes. Mieux, les Etats-Unis avaient l’opportunité de prendre des parts de marché chinois aux Iraniens, même s’ils continuent d’importer plus de la moitié de leur consommation.
Mais la croissance de l’extraction de schiste progresse plus lentement que prévu. Les raisons de cette baisse de régime résident dans le manque de capacité des transports du brut vers les raffineries. Des pipelines doivent encore être construits. Ils ne pourront évacuer le précieux liquide que dans 18 à 24 mois. De plus, certains gisements prolifiques montrent déjà des signes de fatigue et la majorité des autres sont soit en baisse, soit en très légère augmentation. Sans surprise, les résultats financiers du deuxième trimestre montrent que de nombreuses compagnies pétrolières ont manqué leurs objectifs tant financièrement qu’aux niveaux de la production. Malgré la hausse des cours du baril, les producteurs ont perdu plus de $ 20 milliards depuis le début de l’année.
En novembre, les sanctions américaines entreront donc en force. Si initialement, la Maison Blanche espérait réduire à néant les exportations pétrolières iraniennes, Washington a depuis mis de l’eau dans son vin et semble désormais tolérer une diminution de 1 million b/j sur 3.7 millions actuels. La croissance mondiale, prévue à 4.2% en 2019, nécessite de l’énergie. Aujourd’hui, les pétroliers extraient 99.4 millions de barils par jour (+1.1 million depuis 2017) et il faudra en trouver 1.4 million de plus. Dans le cas où l’offre n’arriverait pas à suivre la demande, les prix devraient rapidement grimper. L’expérience de 2008 montre qu’il n’aura fallu que quelques mois pour propulser le baril à $ 147.
Pour Donald Trump, toute crise est à éviter avant les élections de 2020. Au jeu des sanctions, l’interdépendance entre les pays peut rapidement se transformer en boomerang. Cependant, l’administration Trump possède un plan B : l’utilisation de la réserve pétrolière stratégique qui contient plus de 727 millions de barils. Ainsi, 11 millions de barils seront déstockés pour rejoindre les marchés entre le 1er octobre et le 30 novembre 2018. Cette solution n’est bien entendu pas durable. La question est de savoir si elle permettra de gérer la situation jusqu’aux élections.
Publié dans le commentaire hebdomadaire "Matinale Express - Actions étrangères" de la salle des marchés de la BCV le 3 septembre 2018