La progression de l’indice S&P 500 depuis 2009 montre une fois encore la pertinence, pour un investisseur en actions, d’avoir un socle de titres américains dans son portefeuille.
Les médias en ont fait largement échos. La bourse américaine est entrée mercredi 22 août dans le plus long cycle haussier de son histoire. Soit plus de 3453 jours, sans correction de 20% ou plus, ce dernier critère étant décisif pour tracer les frontières d’un «bull market», ou marché du taureau, symbole de la vigueur de Wall Street.
Pour peu qu’on se souvienne du climat d’extrême tension qui régnait lors de l’éclatement de la crise financière de 2008, et du choc traumatique causé par la faillite de la banque Lehman Brothers, le 15 septembre de cette année-là, le record de longévité du bull market actuel fait un peu cligner des yeux. Il donne au moins raison à la première proposition d’un vieil adage boursier qui dit que les marchés haussiers naissent dans le pessimisme…et qu’ils trépassent dans l’euphorie.
D’euphorie, on n’en voit guère de trace durant cette période qui a débuté le 9 mars 2009. Ce cycle n’est en tout cas de loin pas le plus performant en comparaison historique. Durant les derniers 113 mois, le S&P 500 a en effet dégagé une performance de 323%, principalement alimentée par les valeurs liées à l’économie numérique. Sur une période équivalente, le cycle haussier courant de 1990 à 2000 avait connu une progression de 417%. Et de 324% sur un temps beaucoup plus court allant de 1932 à 1937, ce qui correspond à un rendement annuel de 35,5%, contre 16,5% pour le marché actuel et une moyenne de plus de 20% pour l’ensemble des bull markets. La hausse du S&P 500 n’en reste pas moins remarquable par rapport aux indices européens dont certains ont à peine renoué avec leur niveau d’avant-crise.
Par ailleurs, le chemin jusqu’au record n’a pas été de tout repos. Le S&P 500 a subi de mars 2009 à aujourd’hui cinq corrections de plus de 10%. La dernière date de janvier-février dernier sur fond de craintes de remontée des taux longs accompagnées d’un violent accès de volatilité. Deux ans auparavant, début 2016, le marché était frappé par un accès de pessimisme pour la croissance mondiale et l’indice américain lâchait 12%. Six mois plus tôt, en août 2015, la dévaluation en cascade de la devise chinoise faisait plonger le S&P 500 d’un peu plus de 10%.
Mais ce sont les affres de la zone euro qui ont le plus inquiété les investisseurs durant la période. La crise souveraine en Europe se répercutait outre-Atlantique par une correction de plus de 15% entre avril et juillet 2010. L’alerte la plus sérieuse remonte toutefois à 2011. Le spectre d’un éclatement de la zone euro, avec en prime une dégradation historique de la notation des États-Unis par l’agence Standard & Poor's, se traduisait par cinq mois de baisse consécutive entre mai et septembre. L’épisode se clôt sur une baisse de 19,4% entre le 29 avril et le 3 octobre. Et même de plus de 21% en séance (mais pas en clôture) le 4 octobre, ce qui autorise quelques experts à contester la validité des bornes du cycle haussier actuel.
Sans entrer dans ce débat, plusieurs facteurs incitent à relativiser la qualité et la longévité sans précédent de ce marché haussier. Bâti sur les ruines de la crise financière, ce bull market a d’abord bénéficié de valorisations extrêmement basses du marché des actions.
Mais c’est la mise en place de politiques monétaires extrêmement accommodantes qui lui ont apporté le soutien le plus déterminant. En ramenant leurs taux à zéro puis en initiant des programmes de rachat d’actifs massifs, en particulier sur le marché de la dette, afin de relancer le marché du crédit, les banques centrales ont généré des distorsions majeures sur le marché obligataire. Le maintien des rendements à des niveaux artificiellement bas a forcé les investisseurs à s’exposer à des actifs plus risqués. Le marché actions a été le principal bénéficiaire de ces mesures non conventionnelles qui n’ont toujours pas été levées, hormis aux États-Unis où la Réserve fédérale américaine a commencé à relever ses taux depuis deux ans.
L’adoption, en décembre dernier, de la réforme fiscale américaine, ramenant le taux d’imposition moyen des entreprises de 35% à 21%, se révèle aujourd’hui comme un puissant stimulant pour Wall Street. Ironie du sort, ce cadeau de Donald Trump a risqué de tuer le bull market en début d’année en attisant les tensions salariales dans une économie au plein emploi. On mesure aujourd’hui les effets de cette réforme à travers les résultats des entreprises. La croissance bénéficiaire des sociétés américaines atteint des niveaux exceptionnels, avec un taux proche de 25% en moyenne au deuxième trimestre 2018. Grâce à des trésoreries débordantes, les entreprises américaines devraient accélérer leurs programmes de rachats d’actions. Selon diverses estimations, elles pourraient acquérir pour 1000 milliards de leurs propres titres cette année, ce qui soutiendra les cours boursiers.
La bourse américaine reste la plus performante de la planète. Sa progression depuis 2009 montre une fois encore la pertinence, pour un investisseur en actions, d’avoir un socle de titres américains assorti d’une large diversification permettant de capter la dynamique exceptionnelle de ce marché. Pour l’heure, rien ne laisse entrevoir une interruption de ce cycle haussier. L’environnement conjoncturel reste solide. Les politiques monétaires sont accommodantes. Les résultats des sociétés ont montré de la robustesse. Et les valorisations boursières demeurent raisonnables. Les fondamentaux restent bien orientés pour les actions, notamment aux États-Unis, dans une optique de placement à moyen terme. Sauf aggravation des tensions sur le front commercial ou crise impromptue en zone euro autour du budget italien, tout laisse à penser que le bull market actuel du marché américain a encore du ressort.
Nicolas Gay-Balmaz, rédacteur BCV
* Chiffres au 31 août 2018