Le café boit la tasse
Les prix du café pâtissent d’un excédent d’offre essentiellement alimenté par le Brésil. Le leader mondial du café accentue sa domination grâce à la faiblesse de sa monnaie.
Le cours du café n'a jamais été aussi bas depuis 13 ans. L’effondrement des prix résulte essentiellement d’une production record au Brésil, conduisant à un excédent de café sur le marché mondial, et de la faiblesse du réal brésilien. Aucun retournement n’est en vue, car le Brésil devrait encore connaître une bonne récolte cette année. Le plus grand pays d'Amérique du Sud a renforcé sa position de leader mondial du café. Cette domination s'explique par les importants investissements réalisés par les caféiculteurs brésiliens ces dernières années, qui se traduisent par de nouvelles réductions des coûts de production.
Cette situation contraint certains pays, comme la Colombie, à se retirer du marché. Cette dernière n’est plus en mesure de suivre la cadence et souffre énormément de la faiblesse des prix du café. La crise est déjà si avancée que le gouvernement doit aider les producteurs locaux avec des fonds publics. Certains planteurs abandonnent leurs exploitations et se tournent vers la coca.
Malgré une consommation record de café cette année, la demande ne suffira pas à absorber l'offre excédentaire sur le marché mondial. Une hausse de prix est inenvisageable à court terme en raison d’un cycle de récolte 2020/2021 qui s’annonce prometteur. De nombreux détaillants au Brésil retiennent leurs produits dans l’espoir d’une remontée des cours. Les entrepôts sont pleins à craquer. Même si le café ne peut être stocké indéfiniment, il n’y a pas d'amélioration en vue pour le deuxième produit le plus échangé au monde. Seuls des prix encore plus bas pourraient conduire un nombre croissant de caféiculteurs à quitter le marché et entraîner ainsi une baisse de la production mondiale de café.
Par ailleurs, la revalorisation de la devise brésilienne est sujette à caution en raison d’une situation politique tendue et d’une économie fragile. La relance de la croissance repose largement sur le projet de réforme des retraites du gouvernement Bolsonaro. La loi devrait permettre au pays d'économiser plus de USD 250 milliards au cours des dix prochaines années. Un projet crucial pour un pays au bord de l’asphyxie financière, avec une dette dépassant 90% du produit intérieur brut, selon le Fonds monétaire international.
Les investisseurs ont de sérieux doutes quant à l’aboutissement de cette réforme, malgré l’assurance de Paulo Guedes, ministre brésilien de l’Économie, convaincu de réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. La loi a déjà surmonté un premier obstacle important, mais ce n'est qu'après un marathon législatif qu’elle pourra entrer en vigueur. Il faudra donc se montrer patient avant qu’elle ne stimule l'économie et donne un nouveau souffle au réal brésilien.
Publié dans le commentaire hebdomadaire "Matinale Express - Actions" de la salle des marchés de la BCV, le 4 juin 2019