D'abord réticentes, les banques centrales envisagent désormais de créer leur propre monnaie numérique pour contrer les cryptomonnaies privées.
Depuis le projet Libra initié par Facebook, les banques centrales, dont la BNS, étudient la faisabilité d’une version numérique de leur devise. Le thème est devenu d’actualité, bien qu’au départ la plupart d’entre elles étaient sceptiques à l’idée d’émettre leur propre monnaie numérique.
La Banque des règlements internationaux (BRI), la banque centrale des banques, y consacre depuis plusieurs mois des groupes de travail. La Banque centrale européenne (BCE) « se tient prête à émettre un euro numérique si cela s’avère nécessaire », a déclaré sa présidente Christine Lagarde.
La Suède et la Chine ont été les premières à lancer les réflexions. En Scandinavie, le déclin de l’utilisation du cash a poussé en 2017 la banque centrale, la Riksbank, à étudier les avantages d’une e-couronne garantie par l’Etat, destinée à tous les citoyens, et non seulement aux banques, comme complément à l’argent liquide. En Chine, le projet existe depuis 2014 et le lancement d’un e-yuan à petite échelle a commencé dans quatre villes, dont Shenzhen. L’objectif, tout comme en Suède, est de ne pas laisser le champ libre aux cryptomonnaies privées. Pékin espère aussi aider à l’internationalisation de sa monnaie et renforcer sa capacité à défier le dollar. Le e-yuan rendrait aussi la surveillance de ses citoyens encore plus simple et systématique.
Du côté de la BNS, son centre d’innovation travaille en collaboration avec la BRI sur « une étude de faisabilité d‘une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) », destinée aux instituts financiers. Cet e-franc ne sera donc pas accessible au public, car cela reviendrait à ce que la BNS agisse comme une banque commerciale et non plus comme la banque des banques, ce qui pourrait représenter un danger pour la stabilité financière, avoue-t-elle craindre. C’est à l’opposé de l’avis de deux professeurs de l’EPFZ, spécialistes en macroéconomie et informatique, qui recommandent la création d’un e-franc accessible au public en échange de dépôts ou de billets de banques.
Pendant longtemps, l’instabilité des cryptomonnaies a fait que les banques centrales étaient très réticentes à l’idée d’émettre ce type de monnaie. Ce qui a changé, c’est l’arrivée de la libra, ou des « stablecoins », des cryptomonnaies dont la valeur est liée aux monnaies traditionnelles. Pour chaque « coin » émis, un équivalent en vrai monnaie traditionnelle est émis ou déposé. Ainsi, il n’y a pas de variation de taux et la valeur reste identique. Un e-franc vaudra toujours un franc traditionnel.
Il y a moins d’un mois, les Bahamas ont lancé la première monnaie numérique de banque centrale (MNBC) au monde, le « Sand Dollar » ou dollar de sable. Cette version numérique est adossée au dollar des Bahamas (BSD) et disponible pour tous les habitants de l’archipel.
Publié dans le commentaire hebdomadaire "Matinale Express - Actions" de la salle des marchés de la BCV le 17 novembre 2020