Durant la crise du COVID-19, les obligations d’État vertes, valeurs les plus sûres et les moins volatiles, ont été très recherchées.
La France a commencé à émettre ces obligations il y a trois ans. Elle a été suivie par la Belgique et l’Irlande en 2018, puis par les Pays-Bas en 2019.
Il y a deux semaines, l’Allemagne a fait son entrée, avec succès, sur le marché des obligations vertes («green bonds») d’État: sa première émission, avec une échéance à 10 ans, a été sursouscrite cinq fois en moins de deux heures.
L’ambition de l’Allemagne est de prendre la tête du marché des «green bonds» européens devant la France qui est actuellement le pays avec les plus gros volumes d’échanges de ces emprunts sur les marchés en euros. Mais, pour le moment, les obligations vertes de l’État allemand ont un problème de liquidité, car le nombre de parts en circulation est trop faible pour être considéré comme liquide.
Depuis la crise du COVID-19, trouver des obligations d’État vertes est un casse-tête pour la plupart des investisseurs. Comme elles ont été les valeurs les plus sûres et les moins volatiles durant cette période difficile, elles ont été très recherchées. Pour remédier à cela, l’Allemagne envisage d’émettre, au quatrième trimestre 2020, des obligations jumelles avec des échéances à 2, 5, 10 et 30 ans.
Les obligations jumelles sont des emprunts d’État composés d’une obligation dite «classique» et d’une obligation verte. Toutes les deux ont la même maturité et le même coupon, mais elles ne sont pas forcément lancées en même temps.
À l’émission, l’obligation verte arrive sur le marché avec une légère prime par rapport à sa jumelle. Mais comme le marché est friand des obligations vertes, une rapide correction est inévitable, poussant le rendement de l’obligation verte à la baisse, ce qui la rend plus chère que la «classique».
À ce jour, dans la course à la création de la courbe des taux des obligations vertes des États européens, c’est la France qui est aux avant-postes avec des émissions dont la taille est bien plus importante que celles de l’Allemagne. La France a commencé à émettre ces obligations il y a déjà trois ans; elle a été suivie par la Belgique et l’Irlande, en 2018, puis par les Pays-Bas, en 2019.
Dans cette course, l’enjeu pour l’Allemagne est de taille. Jusqu’à aujourd’hui, la courbe des taux allemands servait de référence à toutes les obligations cotées en euros. Or, depuis que le plan de relance européen a été accepté par les États membres en été 2020, l’Allemagne est en passe de perdre cet avantage concurrentiel qui lui avait permis de se refinancer à moindre coût en comparaison avec ses voisins européens. Le fait de devenir le pays de référence pour la courbe des taux des obligations vertes lui rendrait en partie cet avantage et la favoriserait aussi lors de l’émission des obligations «classiques», qui forment un tandem avec les nouveaux emprunts verts dans les obligations jumelles.
La course a démarré cette année, mais pour en connaître le vainqueur, il faudra sûrement attendre un an, au minimum.
Publié dans le commentaire hebdomadaire "Matinale Express - Actions" de la salle des marchés de la BCV, le 15 septembre 2020