Au Japon, la lettre de l’acronyme ESG au cœur des préoccupations est le G. Si le pays a édicté des normes environnementales strictes et une politique sociale protectrice, il a souvent été montré du doigt en matière de gouvernance d'entreprise.
Les changements en matière de gouvernance devraient soutenir la Bourse de Tokyo au même titre que la reprise de l’économie mondiale.
La prise en considération toujours plus grande des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) par les entreprises est-elle une aubaine pour les investisseurs? Le marché japonais des actions fournit un exemple de la conséquence d’une meilleure gestion des entreprises sur l’accroissement potentiel de leur valeur à long terme. La saison des résultats de l’exercice 2020-2021 représente dans ce contexte un important stress test pour un changement appelé à gagner en profondeur.
Au Japon, la lettre de l’acronyme ESG au cœur des préoccupations est le G. Si le pays a édicté depuis longtemps des normes environnementales strictes et une politique sociale protectrice, il a souvent été montré du doigt en matière de gouvernance d'entreprise. Or, tant le gouvernement que les autorités boursières sont conscients que le marché des actions ne retrouvera pas son lustre des années 1980 sans une sérieuse mise à niveau de la manière dont les sociétés considèrent leurs actionnaires et gèrent leur bilan.
Ainsi, la Bourse de Tokyo reléguera au marché secondaire les sociétés n’introduisant pas suffisamment de représentants externes dans leur conseil d'administration. À ces nouveaux venus revient notamment le rôle de défendre les intérêts des actionnaires et plus particulièrement des actionnaires minoritaires. Les autorités de régulation combattent en outre toujours davantage les participations croisées. Souvent utilisées afin de consolider les relations avec les fournisseurs et les clients, ces pratiques doivent désormais être commentées et justifiées dans les états financiers des entreprises. Le gouvernement fait, lui, pression sur les investisseurs institutionnels afin qu'ils votent lors des assemblées générales, justifient leurs choix et ne réélisent pas les administrateurs des sociétés générant des profits dérisoires année après année.
Le processus peut être incarné par l’évolution du rendement des fonds propres (ROE), soit une meilleure utilisation du capital par des managers jusqu’alors principalement concentrés sur la seule gestion opérationnelle de leur entreprise. Les bilans des entreprises japonaises regorgent en effet de cash. Lors du troisième trimestre clôturé à fin décembre, les bénéfices générés par les sociétés du Topix ont atteint un niveau record. Conséquence: 55,6% des constituants non financiers de l’indice affichent des liquidités supérieures à leur endettement. Une situation qui péjore la valorisation boursière des entreprises japonaises. Or, une des voies les plus faciles à emprunter pour améliorer le rendement des fonds propres est la restitution des liquidités excédentaires aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d'actions.
Les rachats d'actions n’ont jamais été aussi nombreux qu’en 2019. Et s’ils ont reculé en 2020 en raison du COVID-19, ils atteignent tout de même leur deuxième plus haut de leur histoire. Par ailleurs, toujours plus d'entreprises proposent des programmes permettant à leurs employés d'acquérir des actions, ce qui permet d'aligner leurs intérêts avec celui des actionnaires. Autant de politiques qui peuvent être mises sur pied au sein des entreprises japonaises sans emprunter.
À l’instar de ceux publiés à la fin de l’exercice 2020-2021 ce printemps, les dividendes et programmes de rachats d'actions seront particulièrement scrutés et évalués par le marché pour mesurer l’avancée du changement imposé. La détermination des autorités boursières et politiques à améliorer la gouvernance des entreprises constitue ainsi une bonne nouvelle pour les investisseurs, car cet alignement des intérêts des différentes parties prenantes résonne comme un moteur de croissance des bénéfices. Une tendance encore soutenue par la reprise économique en cours pour une économie particulièrement dépendante de l’activité mondiale et de la conjoncture.
Article paru dans Indices de L'AGEFI, mai 2021