Sur le marché des fonds de placement suisses, le volume investi dans des fonds durables a désormais dépassé celui des fonds traditionnels.
Plus de la moitié des montants investis dans des fonds de placement en Suisse l’est dans des fonds durables, selon une étude qui constate une augmentation de plus de 30% du volume global des capitaux gérés de manière durable.
L’investissement durable s’impose toujours plus dans les portefeuilles tant privés qu’institutionnels. À fin 2020, le montant des capitaux gérés en Suisse en appliquant au moins une des huit approches* de l’investissement durable dépassait CHF 1520 milliards, soit une progression de 31% par rapport à fin 2019, constate le Rapport sur l’investissement durable en Suisse 2021** (voir graphique 1). Et cette croissance devrait se poursuivre à condition d’être accompagnée d’une toujours plus grande transparence, «un prérequis pour s’assurer la confiance de la clientèle», relève encore l’étude publiée par Swiss Sustainable Finance (SSF) et réalisée en collaboration avec le Center for Sustainable Finance and Private Wealth (CSP) de l’université de Zurich, dont la BCV est sponsor.
Au-delà de cette croissance, l’investissement durable gagne en maturité. Un exemple? La sophistication des pratiques: 46% des sondés déclarent appliquer quatre approches et plus dans leurs produits et modes de gestion, contre 34% l’an dernier (voir graphique 3). Par ailleurs, si l’acronyme ESG – pour prise en compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance – a désormais trouvé sa place dans l’univers de la finance, aujourd’hui l’attention se concentre sur la notion globale d’impact.
Ainsi, grâce à son impact, l’approche favorisant le dialogue avec les entreprises s’est hissée en deuxième position dépassant celle pratiquant par exclusions (voir graphique 4). Ce choix s’impose désormais notamment lors de la violation des normes en vigueur: on ne retire pas simplement l’entreprise visée de son portefeuille, mais on s’engage à discuter avec ses dirigeants. «C’est une excellente nouvelle, se réjouissent les auteurs de l’étude, puisque cette approche active aide à modifier les comportements, contrairement à une décision unique de désinvestissement, considérée comme peu efficace.»
Les investissements dits à impact affichent, eux, le taux de croissance le plus élevé (+70%), mais cette approche ne concerne que 6% des investissements durables. Cela dit, la notion en elle-même fait débat, rappelle l’étude. Plusieurs questions se posent, notamment en matière de définitions et de mesures. Faut-il ainsi différencier investissement à impact et fonds thématiques? Les interprétations différentes de ces notions expliquent notamment, selon le rapport, le fait que l’investissement à impact a pour la première fois quitté la dernière place du classement, la cédant aux fonds thématiques.
L’investissement durable joue désormais une carte importante: s’assurer la confiance des investisseurs. Comme le soulignent les responsables du projet au CSP, «il s’agit de s’assurer que le mot impact n’est pas un autre terme à la mode sur le marché». Il s’agit notamment de mieux comprendre comment ces investissements agissent sur le monde réel. Les études se multiplient pour mieux pouvoir répondre à la demande croissante des investisseurs. Les données manquent encore pour mieux analyser cet engagement, mais elles devraient augmenter alors que la régulation s’intensifie, notamment en Europe.
Les acteurs de la finance sondés estiment majoritairement que la croissance de l’investissement durable va poursuivre sur sa lancée. Pour ce faire, souligne l’étude, l’investissement durable doit notamment trouver des solutions pour pallier le manque de standards tant nationaux qu’internationaux. À titre d’exemple, en Suisse, un tiers des fonds ESG dit avoir été certifié par un organisme extérieur, mais les labels sont nombreux empêchant une vision claire de l’offre. Si des mesures législatives, fiscales ou au sein des branches économiques peuvent résoudre une partie du problème, les auteurs de l’étude ne croient pas à l’arrivée prochaine de normes mondiales.
Ils plaident pour plus de transparence, pour une plus grande granularité dans la classification de l’investissement durable au risque de perdre notamment les investisseurs privés, mais ils insistent: «on ne peut y arriver qu’à condition que ce soit accepté par le plus grand nombre».
Le Règlement européen sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers montre une direction. Sera-t-elle suivie en Suisse? Les autorités gardent une approche market based. Le Conseil fédéral a lancé des propositions pour renforcer l’encadrement de la finance durable. Pour le SSF, il faut en substance poursuivre sur cette voie en s’appuyant sur le haut niveau d’expertise des acteurs afin «de soutenir le développement du marché suisse de l’investissement durable».