Après une fin d’année marquée par le retour de la volatilité sur les marchés, qu’attendre pour 2022? L’économie mondiale est appelée à poursuivre sur la voie de la croissance, dont la vigueur reste à déterminer.
Le point avec Fernando Martins da Silva, directeur de la Politique d’investissement, BCV.
Aussi exceptionnelle que 2021, 2022 ne pourra pas l’être. Non seulement, car l’effet de rattrapage lié au grand déconfinement s’estompe, mais aussi, car l’impact des mesures de relance sera plus nuancé. Et les composantes appelées à prendre le relais comme soutien à la croissance de l’économie mondiale, soit les dépenses des ménages et l’investissement des entreprises, ne peuvent déployer la même force que les milliers de milliards injectés par les autorités monétaires et politiques. En revanche, la reprise peut toujours compter sur un environnement de taux bas et sur l’amélioration du marché de l’emploi.
L’inflation de base aux États-Unis a atteint 4,6% en octobre. La hausse totale des prix a, elle, atteint 6,2%. Les salaires ont bondi de près de 5% alors que les employeurs peinent à recruter. L’amélioration du marché de l’emploi ne justifie plus le maintien des taux directeurs de la Fed à 0%. Une hausse des taux devrait intervenir d’ici la fin 2022.
Le franc s’est renforcé en deuxième partie d’année par rapport à l’euro. Il est soutenu par le faible écart entre les rendements européens et suisses. Les investisseurs ne sont pas incités à se diriger vers la monnaie unique alors que, à l’instar de l’indice du climat des affaires allemand, les indicateurs avancés ne plaident pas pour un renforcement de la croissance européenne.
L’inflation de base dans la zone euro était de 2,6% en novembre. La hausse totale des prix a, elle, atteint 4,9%. Contrairement aux États-Unis, le marché de l’emploi, même en amélioration, ne justifie pas un resserrement des conditions monétaires. La Banque centrale européenne maintient ainsi son soutien à l’économie de la zone euro.
L’indice des nouvelles commandes industrielles en Chine a rebondi pour se rapprocher de 50 points. Le ralentissement de la croissance chinoise est le résultat du resserrement des conditions de crédit, des difficultés d’approvisionnement, de problèmes énergétiques et d’une réglementation renforcée, notamment autour des géants du net. Une reprise soutiendrait les pays émergents, mais il est d’abord question de stabilisation.
L’économie mondiale est ainsi appelée à poursuivre sa croissance l’an prochain. Son rythme dépendra notamment du moral des acteurs économiques. Ce scénario de base, qui comprend une activité solide, pourrait être perturbé par la poursuite des problèmes d’approvisionnement, par des prix élevés de l’énergie ou encore par les effets de la hausse des prix sur les revenus des ménages ou les marges des entreprises. Sans même parler de la pandémie. Une attention particulière doit ainsi être apportée à ces éléments pour évaluer le potentiel de croissance des bénéfices des sociétés. Alors qu’ils affichaient une progression annuelle de 40% à l’été 2021, ils devraient revenir vers un rythme plus soutenable à moyen terme, soit environ 10% dans notre scénario de base.
La force de la reprise et les problèmes qu’elle a engendrés dans un monde habitué au «just in time» ont signé le retour d’un paramètre absent des analyses économiques depuis plus de 20 ans: l’inflation. Aux États-Unis, certaines causes de la hausse des prix devraient s’estomper l’an prochain, d’autres devraient s’éterniser. La reprise reste en effet solide, les difficultés d’approvisionnement courront encore sur la première partie de l’année, les salaires poursuivront leur progression, ceci alors que la Fed maintient une politique trop accommodante. En Europe, la hausse des prix relève davantage de phénomènes liés aux coûts de production et de l’énergie. Ceci dit, même si elle est appelée à s’atténuer, elle restera à des niveaux plus élevés qu’avant la crise, un paramètre non négligeable pour la conduite de la politique monétaire.
Tant qu’elle demeure cantonnée sous 3% aux États-Unis, l’inflation de base ne représente pas une menace de spirale inflationniste capable de contraindre la Fed à abandonner la normalisation graduelle de sa politique monétaire. Un mouvement qui devrait la conduire à une hausse des taux au moins avant la fin de l’année. De ce côté-ci de l’Atlantique, la Banque centrale européenne (BCE) est moins avancée dans le retrait progressif de son soutien à l’économie. La persistance d’une inflation plus élevée que son objectif de 2% compliquerait sa tâche alors que la croissance est moins solide qu’aux États-Unis. Quant à la Banque nationale suisse (BNS), elle reste cantonnée dans le sillage de son homologue de Francfort alors que le franc reste fort.
La poursuite de la reprise demeure un soutien de taille au marché des actions. Son potentiel est cependant plus limité et irrégulier qu’il ne l’a été en 2021. La volatilité pourrait être alimentée par des statistiques soutenant une hausse plus importante que prévu de l’inflation ou une croissance moins solide qu’espéré. L’année 2022 s’annonce ainsi intéressante en raison de la réémergence de paramètres d’analyse, dont l’interprétation demandera une approche tout en nuances.