La résurgence de l’inflation a surpris par sa vigueur. Bien que les banques centrales soient à la manœuvre, sa décrue sera lente et son ancrage sera plus ferme durant les prochaines années que durant la dernière décennie.
Selon les indices des prix à la consommation pour le mois d’août, l’inflation globale est en hausse de 3,5% sur un an en Suisse, de 9,1% dans la zone euro et de 8,3% aux États-Unis. À titre de comparaison, l’évolution des prix était encore négative en Suisse (-0,9%) et dans la zone euro (-0,2%) il y a deux ans (août 2020), tandis qu’elle progressait lentement (+1,3%) aux États-Unis. Sur les 20 dernières années, l’inflation a atteint en moyenne 0,4% en Suisse, 1,8% dans la zone euro et 2,4% outre-Atlantique.
La stimulation importante des économies dans la phase de reprise post-COVID, les perturbations des chaînes de production et de logistique ainsi que la hausse des prix des matières premières constituent les vecteurs principaux du retour de l’inflation. S’y ajoutent aujourd’hui des facteurs spécifiques comme la rapide revalorisation des salaires, des loyers et des prix immobiliers aux États-Unis et l’emballement des coûts de l’électricité et du gaz en Europe.
À la différence de la zone euro, la Suisse a bénéficié d’une devise forte qui a contribué à absorber la hausse des prix à l’importation. Le mix énergétique helvétique est par ailleurs moins vulnérable à la hausse des prix du gaz que celui de nos voisins. La construction de l’IPC suisse, qui accorde un poids nettement plus important aux services et aux prix administrés que celui de la zone euro, explique également une partie du différentiel d’inflation entre les deux zones. En comparaison avec les États-Unis, la Suisse est en proie à des tensions plus modestes sur les salaires et les loyers.
L’inflation a probablement atteint son plateau cet été aux États-Unis où elle a reflué deux mois de suite en glissement annuel. Elle continue en revanche d’avancer en Suisse et dans la zone euro où des pics sont attendus cet automne.
La baisse de l’inflation sera lente pour trois raisons. Elle est solidement ancrée dans tous les compartiments de l’économie. Elle reste alimentée par des taux d’utilisation des capacités de production au-dessus de la moyenne et par des taux de chômage très bas. Elle trouve de nouveaux relais dans les plans de soutien des États (bouclier tarifaire, subvention aux prix de l’essence, aides aux entreprises) qui constitueront des freins à sa décrue. Dans un horizon à six mois, la trajectoire des prix devrait encore évoluer au-dessus de l’objectif cible des banques centrales, soit de 2%.
Au cours de la prochaine décennie, il faudra composer avec une inflation supérieure à celle de la période pré-COVID. La transition vers une économie zéro-carbone et la fragmentation du monde – qui se traduit par une aggravation des conflits géopolitiques, par des tensions sur les prix des ressources de base et par une course aux relocalisations stratégiques – seront d’importants facteurs inflationnistes.
Les banques centrales vont continuer de relever leurs taux d’intervention de façon très dynamique d’ici la fin de l’année pour casser le rythme de progression des prix et pour éviter que la hausse de l’inflation s’ancre dans les projections des acteurs économiques. Les taux de référence devraient atteindre, a minima, des plateaux de 4% aux États-Unis, de 2,5% dans la zone euro et s’approcher de 1,5% en Suisse. Les banques centrales devraient les maintenir une grande partie de l’année à ces niveaux qui restent inférieurs à l’inflation et à la croissance nominale et qui, dès lors, ne peuvent pas encore être considérés comme pénalisants pour l’économie.