Émise au son du violon, la fameuse obligation étatique autrichienne à maturité 2120 a abandonné 63%.
Ces emprunts, dessinés pour performer dans un environnement de taux bas, se comportent aujourd’hui comme des obligations qui auraient été mises en défaut de paiement.
Il y a quelques années, des obligations avec une maturité à cent ans voyaient le jour et devenaient très convoitées dans un environnement de taux bas, voire négatifs. Ces obligations sont apparues sur le marché après la crise financière de 2008, alors que les banques centrales déployaient des politiques monétaires ultra accommodantes, que les taux étaient au plancher et l’inflation quasi inexistante. Elles furent adoptées par les gouvernements d’Autriche, d’Irlande, d’Israël, du Mexique, du Pérou, de l’Argentine et de la Bolivie, pour ne citer que quelques exemples, sans oublier toutes les compagnies privées qui ont également eu recours à ce type de papier. Ceci n’est pas étonnant, car ces emprunts ont permis aux émetteurs de sécuriser des taux d’intérêt ultra bas pour une très longue période, facilitant la gestion de leur trésorerie. Ces obligations ont aussi été très prisées des investisseurs, car elles offraient un rendement plus élevé que leurs homologues à court terme. Étant par ailleurs très sensibles aux mouvements de taux, les gains des souscripteurs étaient d’autant plus grands que les rendements descendaient.
Aujourd’hui, nous vivons dans un environnement bien différent. Les banques centrales ont durci leur politique. Les multiples remontées de leurs taux directeurs sont déjà agendées et l’inflation a fait son retour de manière tonitruante. Il n’en fallait pas plus pour voir les obligations ultra longues, dessinées pour performer dans un environnement de taux bas, plonger aux abysses.
Les notations des émetteurs ne permettent même pas de sauver ces papiers de la déroute. Tous les modèles financiers sont basés sur la convexité et la sensibilité aux taux d’intérêt. Cela a toujours bien fonctionné pour la prédiction des comportements des obligations ayant une maturité allant jusqu’à 30 ans, car ils sont basés sur l’obligation étatique sous-jacente de même maturité. En revanche, il n’y a que très peu d’obligations de référence ayant une maturité si longue, de sorte que les calculs et la marge d’erreur sur ces obligations ultra longues n’ont pas été en ligne avec les prédictions.
Ces obligations accusent ainsi aujourd’hui des pertes astronomiques pour tous les investisseurs qui pensaient pouvoir les acheter et dormir sur leurs deux oreilles. L’obligation de l’Université d’Oxford avec maturité en 2117 a, par exemple, perdu 49% de sa valeur, celle du Land allemand de Rhénanie du Nord-Westphalie 50% et la fameuse obligation étatique d’Autriche avec maturité en 2120 a abandonné 63%. Ces mouvements sont similaires à des obligations qui auraient été déclarées en défaut. Plus les taux de référence continueront à grimper, plus la perte sur ces obligations sera grande. Vu l’amplitude des mouvements auxquels sont soumises ces obligations, on parle ici d’obligations de type montagnes russes, comme dans les fêtes foraines.