L’Argentine s’est tournée vers le yuan chinois pour combler son manque de dollars, comme le Brésil et la Bolivie.
Les banques centrales relèvent progressivement leurs taux d’intérêt depuis 2022 pour lutter contre l’inflation. En mai, la Banque centrale européenne (BCE) annonçait une hausse de ses taux de 0,25 point, à 3,25%. La Banque d’Angleterre relevait d’un quart de point son taux directeur, à 4,5% ; la Fed augmentait le sien de 0,25 point à 5,25% et le taux proposé par la Banque nationale suisse (BNS) est à 1,50% depuis fin mars. Ces hausses de taux sont certes impressionnantes et les bourses mondiales tremblent face aux risques de récession, mais il est nécessaire de relativiser quelque peu la situation occidentale «préoccupante» actuelle, en considérant l’actualité économique de l’Argentine, qui évolue dans une toute autre dimension.
La Banque centrale d’Argentine relevait son taux d’intérêt à 97% (+6%) il y a 15 jours, pour tenter de freiner la chute du peso et l’inflation, qui atteint désormais 108,8%. Le gouvernement tablait sur 60% d’inflation sur l’année, mais les experts évoquent à présent une inflation à plus de 126%. La deuxième économie d’Amérique latine sort de deux années de croissance (+10,3% en 2021 et +5,4% en 2022), mais les prévisions pour 2023 sont en net recul (+0,2%), selon les perspectives du Fonds monétaire international (FMI). La semaine dernière, le gouvernement lançait un nouveau billet de banque en circulation. Un billet inédit de 2 000 pesos qui doit améliorer le fonctionnement des guichets automatiques et optimiser les flux de liquidité. Il s’échange à USD 8,48 au taux de change officiel. En revanche, au taux de change informel – celui de référence pour les Argentins –, ce billet aurait plutôt une valeur proche de USD 4. La dépréciation de la monnaie locale est telle qu’en février, le futur billet valait encore USD 10,25 au taux officiel. Jusqu’à présent, la plus grosse coupure en circulation était un billet de 1 000 pesos, lancé en 2017, avec une valeur équivalant à l’époque à USD 55,5.
La population argentine vit dans l’instabilité depuis plus d’une décennie et sa confiance dans l’économie du pays s’effrite. Les Argentins investissent ailleurs et placent leurs capitaux dans des marchés plus sûrs. Avec une inflation à trois chiffres, le peso perd rapidement de sa valeur et le billet vert se fait de plus en plus rare dans les réserves monétaires du pays. L’Argentine s’est donc récemment tournée vers le yuan chinois pour combler son manque de dollars, tout comme le Brésil et la Bolivie. Buenos Aires va ainsi acheter, en yuans, pour USD 1 milliard de biens d’importation à Pékin, et la Chine a promis un investissement de USD 23 milliards de contre-valeur pour des travaux d’infrastructure et des achats de pétrole en Argentine. Le pays devient donc économiquement dépendant de la Chine, et cette collaboration permet désormais à Pékin d’intégrer l’Argentine dans sa nouvelle «route de la soie». Les candidats à l’élection présidentielle argentine, qui aura lieu au mois d’octobre, seront-ils en mesure d’apporter des réponses à cette inflation et parviendront-ils à relancer l’économie nationale?