La feuille de route de La Poste vise une entreprise climatiquement neutre sur l’ensemble de sa chaîne de valeur d’ici 2040. Pour y arriver, il est question de l’électrification de sa flotte de véhicules, mais aussi d’investissements, dont ceux de sa caisse de pensions.
Les investissements de la Caisse de pensions Poste (CP Poste) comptent dans les objectifs de durabilité du Géant Jaune. Sa directrice, Françoise Bruderer, revient sur la mise en place d’une politique de durabilité dans une caisse de pensions, lors d'une manifestation organisée par la BCV.
Bien sûr que La Poste s’est fixé des objectifs en matière de responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) et, plus globalement, en matière de durabilité. Sa feuille de route vise une Poste climatiquement neutre sur l’ensemble de sa chaîne de valeur d’ici 2040. Pour y arriver trois priorités, comme aime à le rappeler son président Christian Levrat: «réduire, réduire et réduire». Pour couvrir les aspects tant environnementaux que sociaux ou de gouvernance, il est question de l’électrification des cars postaux, de l’utilisation de matériaux durables pour les uniformes ou de l’introduction d’exosquelettes pour aider à la manutention des paquets. Mais il est aussi question d’investissements. Et les regards de se tourner vers sa caisse de pensions.
Fondation commune de droit privé, la Caisse de pensions Poste (CP Poste) rappelle tout d’abord qu’elle est soumise, au même titre que les autres caisses de pensions de Suisse, à la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) et son ordonnance d’application (OPP 2). Sa directrice Françoise Bruderer insiste sur cet élément pour rappeler la responsabilité des membres des conseils de fondation lorsqu’il s’agit d’administrer la fortune des assurés. Et donc de faire des choix. Avant de développer la problématique ESG, elle tient à replacer l’historique de la caisse, issue, comme Publica, de la Caisse fédérale de pensions (CFP) au tournant du siècle. La CP Poste affiche aujourd’hui un taux de couverture de 102,5%, taux «qui ne s’est jamais envolé», précise-t-elle faisant référence au passé et au poids de la récente période de taux bas.
En matière de durabilité, la CP Poste applique les normes de référence en Suisse. «La stratégie de durabilité (ESG) doit avoir un effet positif global qui ne se limite pas à la CP Poste. La CP Poste doit se doter d’objectifs réalistes, respectant les bases légales et normatives auxquelles la CP Poste est soumise», rappelle Françoise Bruderer.
Pour y parvenir, la caisse a adopté un certain nombre de mesures. Elle produit un rapport extrafinancier dans lequel elle explique sa stratégie et fournit les données récoltées. Une stratégie qui se «verdit» quelque peu dans les notes des ONG et autres consultants indépendants, car son rapport gagne peu à peu en données chiffrées, notamment en matière de comptabilité climatique. Pour l’heure, il est orange chez Alliance climatique, car «notre site manque de chiffres.»
«Environ la moitié de notre fortune est couverte par des données», résume-t-elle, en précisant que «la caisse travaille depuis longtemps avec Ethos, un partenaire critique qui apporte des solutions». Le reporting se base sur les données d’ISS ESG pour les actions et les obligations cotées, sur les données de fondations immobilières et suit les recommandations de l’ASIP.
Parmi les mesures adoptées, Françoise Bruderer passe en revue les avantages et inconvénients des approches traditionnelles: exclusion, engagement actionnarial, etc. Au chapitre des critères positifs, elle s’arrête notamment sur les investissements en microfinance, que pratique la CP Poste de longue date. «Ils ont un impact direct, mais ils peuvent aussi opposer des critères ESG, ainsi ce qui peut être social, n’est pas forcément environnemental. Ces projets sont souvent dépendants des situations géopolitiques. Il faut pouvoir compter sur des intermédiaires fiables. Nous n’avons jamais été confrontés à un scandale.» Et de relever que ces placements affichent un rendement annuel moyen de 3,5% hedgé.
La CP Poste a également étudié des placements en infrastructures en Suisse et à l’étranger, mais constate la lenteur de l’avancement des projets et les risques politiques. «Nous devons faire preuve de prudence et de cohérence», insiste Françoise Bruderer. «Ces voies existent, mais demandent une réflexion approfondie pour tout investissement de l’argent de nos assurés». Et de rappeler les priorités dans la gestion de la caisse: la sécurité, le rendement, la diversification, et assurer des liquidités dans le but de pouvoir faire face à ses obligations actuelles et futures.
Une démarche de durabilité ne peut réussir pour Françoise Bruderer, que si l’on se donne le temps. Elle évoque aussi les principales personnes intéressées. «Il faut convaincre les assurés. Et le seul moyen d’y arriver, c’est d’être crédible.» Être crédible ne signifie pas brandir un graphique, selon elle. «Il faut expliquer, donner des exemples, discuter», insiste-t-elle, en soulignant que la tendance les intéresse, mais la principale préoccupation des assurés reste le rendement.
Pas question, cependant, d’éviter la question. «Nous devons tenir compte de l’ESG, mais faire preuve de réalisme et de pragmatisme dans sa mise en pratique. Ce qui signifie notamment examiner les ressources disponibles à court et long terme avant toute démarche». Et de conclure: «Nous sommes dans une phase de transition qu’il faut accepter».