Parmi les investissements en infrastructures, Publica investit dans les énergies renouvelables, par exemple dans des parcs solaires aux États-Unis.
La plus grande caisse de pensions de Suisse poursuit la diversification de ses placements. Une stratégie qui passe également par des investissements dans les infrastructures. Surtout dans les énergies renouvelables à l’étranger.
«Nous avons une réticence historique envers le risque, mais la situation évolue». Pour Doris Bianchi, directrice de Publica, la caisse de pensions de la Confédération, des EPF et autres unités satellites de l’administration fédérale, l’allocation des actifs de la plus grande caisse de Suisse s’explique par son histoire – qui comprend la débâcle de la Caisse fédérale de pensions (CFP) dans les années 1990. La loi fédérale qui entoure Publica date de 2006. Elle a ouvert la porte à une allocation plus diversifiée et la prise en compte d’actifs illiquides. Un processus encore en cours, explique-t-elle, lors d'une manifestation organisée par la BCV.
Aujourd’hui, alors que les rendements souverains suisses retrouvent des couleurs, la diversification reste un axe stratégique pour Publica. Pour contrebalancer la part croissante prise par les actions (32%), elle accroît ses positions dans les actifs réels. Cette catégorie compte ainsi pour environ un quart des placements, dont une grande partie en immobilier (18%) – moitié suisse, moitié étranger –, le reste concerne les actions en infrastructure (3%) et les métaux précieux (3%).
Le rôle des investissements en infrastructures? Mitiger la volatilité des marchés des actions, diminuer la dépendance du portefeuille aux cycles économiques, mais aussi privilégier des positions présentant des atouts en période inflationniste, relève Dominique Gilgen, responsable des Private Markets chez Publica. En résumé: diversification et stabilisation des rendements.
Dans le vaste monde des infrastructures, Publica a opté pour un choix de projets à revenus régulés dont les risques sont essentiellement liés à l’opérationnel – non à la construction. Ce qui implique que la fourchette visée en matière de rendement se situe entre 5% à 10% environ. Historiquement, ces placements affichent un rendement moyen de 8% aux États-Unis et de 4%-5% en Europe.
Pour une caisse publique comme Publica, cette catégorie d’actifs apparaît par ailleurs comme assez évidente dans la mesure où les investissements concernent des éléments essentiels pour l’économie et la population. Les actions d’infrastructures représentent en effet des domaines comme le transport, les services aux collectivités, l’énergie ou encore le social (hôpitaux, écoles, etc.). Sans oublier tout ce qui touche à la digitalisation. Aujourd’hui, précise Dominique Gilgen, Publica investit grandement dans les énergies renouvelables (30% des actions en infrastructures). Et de citer l’exemple d’un parc solaire en Arizona, qui permet une production d’énergie solaire à prix fixe pendant 20 ans.
Et la Suisse? «Nous n’en avons pas en portefeuille. Difficile de trouver des projets qui correspondent à nos besoins. La plupart sont trop petits et présentent trop de risques. Quant à ceux qui entreraient dans notre périmètre, ils n’ont pas besoin de nous». À titre d’exemple, impossible de réaliser avec des fonds privés la troisième voie CFF entre Lausanne et Genève, puisque, comme le fixe la législation, c’est au Parlement d’en décider la priorité dans les dépenses couvertes par le fonds d’infrastructure ferroviaire. Autre infrastructure des CFF: leur immobilier est géré par une division autonome et, là encore, la règle de base pour les 237 projets de plus de CHF 5 millions actuellement dans le pipeline est l’autofinancement.
Quant aux risques liés à ces projets ciblés, ils résident essentiellement dans un changement de régulation, de législation qui peut modifier les rendements attendus. Et de se souvenir de l’élan du solaire cassé par la crise de 2008 en Espagne avant de rebondir dans la foulée du plan d’investissement européen NextGen. Il évoque également un point sensible des marchés privés: les frais de gestion.
Comment Publica investit-elle dans cette classe d’actifs? Ces investissements dans des actions d’infrastructures se font essentiellement en direct et non par l’intermédiaire de fonds de fonds, explique Dominique Gilgen. Une stratégie qui permet une plus grande transparence, à la condition d’avoir le poids suffisant.
Publica a opté pour deux approches. «Nous avons ainsi investi dans des fonds ouverts à long terme – pour éviter notamment l’effet vintage ou la vente trop rapide de nos positions». Et de mettre en avant l’effet de diversification immédiate de ces placements et un léger gain en matière de liquidité. A contrario, cette approche présente différents inconvénients dont d’une certaine dépendance au gestionnaire du portefeuille ou des risques de conflits d’intérêts, sans même parler des coûts.
Ceci dit, «même en étant la plus grande caisse de pensions du pays, nous restons petits.», constate Dominique Gilgen. D’où cette autre approche: la constitution de clubs d’investisseurs avec d’autres fonds de pensions. Ainsi, les co-investisseurs partagent les mêmes intérêts et peuvent adapter les lignes directrices du portefeuille – notamment en ce qui concerne l’ESG –, gagner en poids, donc en transparence, améliorer les droits des investisseurs et diminuer les coûts. Côté risques figurent l’aspect concentré du portefeuille et son illiquidité en raison de la taille des actifs pour le club.
ESG, l’acronyme est immanquable. «Nous n’investissons pas dans les infrastructures pour des questions d’ESG», précise Dominique Gilgen. Mais «les infrastructures permettent d’améliorer notre profil de risque, c’est un devoir fiduciaire, nous avons donc intégré dans notre processus d’investissement une analyse des risques ESG». Il constate que dans la classe d’actifs des investissements en infrastructures, les énergies renouvelables sont très présentes. Pour les autres critères, comme le social, explique-t-il encore, les opportunités sont plus grandes dans les obligations en infrastructures, pour les universités ou les hôpitaux.
Enfin, comment traiter de la question du benchmark? «Il n’y a pas de benchmark clair», convient-il en énumérant quelques pistes existantes. «Nous préférons ainsi viser une fourchette de rendement plutôt que de nous adosser à une référence qui ne nous convainc pas». L’important insiste-t-il est de s’assurer que ces positions soient justement intégrées dans la mesure du risque. «Attention à ne pas avoir le même actif à deux endroits différents du bilan». Ce qui exige certains compromis entre rendement et risque et – surtout – un certain degré de compréhension.
CHF 39,4 milliards de somme du bilan
67515 personnes assurées
41918 bénéficiaires de rente
96,2% de degré de couverture réglementaire
0,21% frais de gestion de la fortune
CHF 150 frais d’administration par personne