Travailler plus longtemps pour avoir une meilleure rente de deuxième pilier dépendra aussi de l'évolution des taux de conversion.
« Il semble nécessaire pour tout salarié de travailler après la retraite pour avoir un revenu décent. Est-ce vraiment vrai ? » (Suzanne, 62 ans, Échallens). Fabrice Welsch répond à une question de lecteur.
Arrêter son activité conduit à une nette diminution des revenus. Poursuivre une activité professionnelle après l’âge légal de la retraite peut s’avérer intéressant pour s’assurer une rente plus élevée. En 2017, le taux d’emploi des personnes de 65 à 69 ans était de 22,9%. Selon les documents publiés par le Secrétariat d'Etat à l'économie pour la 5e conférence du 3 mai 2019 sur les travailleurs âgés, « la participation au marché du travail diminue très rapidement en Suisse lorsque l’âge de la retraite ordinaire est atteint. C’est, d’une part, l’expression d’un niveau de prospérité élevé et, d’autre part, la conséquence d’un système de prévoyance vieillesse bien développé ». Selon la même étude, 20% des 65-74 ans ont poursuivi une activité professionnelle en Suisse en 2018. Il est à noter que, sans surprise, la forme de travail privilégiée après la retraite est le temps partiel.
Continuer de travailler après l’âge ordinaire de la retraite (65 ans pour les hommes, 64 ans pour les femmes) présente des avantages sur le plan de l’AVS (1er pilier) et de la prévoyance professionnelle (2e pilier) si l'on n'est pas tributaire financièrement des rentes, mais ce n’est pas un droit acquis. L’ajournement et l’âge de départ à la retraite doivent en effet être négociés avec l’employeur. La première démarche consiste donc à vous enquérir des possibilités offertes par votre entreprise. Ces dernières peuvent être inférieures ou supérieures à l’âge légal.
La loi prévoit la possibilité de reporter le versement de sa rente AVS de un à cinq ans, en contrepartie d'une majoration pouvant atteindre 31,5% de la rente prévue initialement à l’âge légal de votre retraite.
Ajourner sa rente reste financièrement toujours avantageux, car le montant gagné durant l’ajournement s’ajoutera à la rente, même dans le cas où celle-ci aurait déjà atteint le maximum si vous l’aviez perçue à l’âge légal de la retraite. En revanche, le revenu que vous aurez acquis durant l’ajournement ne pourra pas servir au calcul de la rente de votre conjoint si vous êtes marié. Pour rappel, tous vos revenus soumis à l’AVS sont inscrits dans votre compte individuel AVS ; ceux acquis durant le mariage sont partagés (splittés) pour moitié pour chacun des conjoints ; tous ces revenus forment une des bases de calcul de vos futures rentes.
Enfin, ajourner sa rente de vieillesse, c'est aussi ajourner les éventuelles rentes pour enfants auxquelles vous auriez pu prétendre (rentes pour enfant de retraité) ainsi que la rente de veuve ou de veuf perçue. La rente de vieillesse ou d’invalidité de votre conjoint devra également être recalculée et sera peut-être plafonnée (réduite). Votre situation familiale est donc un élément à prendre en compte.
Le fait de percevoir votre rente ne vous empêche toutefois pas de travailler après l’âge légal de la retraite, mais vous devrez, en parallèle, poursuivre le versement de vos cotisations auprès de l’AVS. Les montants seront prélevés sur le revenu qui dépasse la franchise de 16 800 fr. par année. Payer des cotisations AVS peut se révéler utile si votre conjoint ne travaille pas et n’a pas encore atteint l’âge de la retraite. Le montant des cotisations pour les personnes sans activité lucrative se base en effet sur la fortune et le revenu des rentes. Il peut ainsi atteindre 24 100 fr. par année ; a contrario, si le conjoint qui travaille au-delà de l’âge de la retraite verse au moins 964 fr. de cotisations AVS par an, le conjoint qui ne travaille pas sera libéré de son obligation de cotiser.
Le règlement de la caisse de pension peut prévoir la possibilité pour les assurés de demander le maintien de leur prévoyance jusqu’à cessation de leur activité lucrative, mais au plus tard jusqu’à l’âge de 70 ans. Cette solution permet de bénéficier de meilleures prestations de vieillesse. Celles-ci seront augmentées de trois manières :
Mais là aussi, un calcul préalable est requis, car les taux de conversion sont appelés à baisser du fait de l'augmentation de l'espérance de vie, baisse souvent plus forte sur les avoirs dépassant le minimum légal (part surobligatoire).
La modification des taux de conversation relève du choix de chaque caisse de pension et peut être décidée sans information préalable aux assurés. Une baisse de ce taux ayant un impact non seulement sur les rentes futures, mais aussi sur l’intérêt d’ajourner sa retraite, il est important de demander s’il est prévu de le diminuer dans les années à venir. Si le triple impact financier de l’ajournement ne permet pas de compenser la baisse du taux de conversion, travailler une année de plus ne s’avérerait alors pas intéressant.
Ajourner ou non ses rentes reste un calcul compliqué qui prend en compte de nombreux facteurs. Demander conseil auprès d’un spécialiste en planification de retraite semble judicieux.
Publié dans Générations en octobre 2019