Le coût de l’argent dépend traditionnellement de plusieurs facteurs, dont l’environnement économique ou l’inflation. Mais aussi ponctuellement de mouvements sur les marchés.
Les taux hypothécaires à 10 ans bougent actuellement. Une conséquence de la crise plutôt qu’une tendance nette et durable.
La progression récente des taux hypothécaires est-elle un épiphénomène lié à la crise sanitaire ou un mouvement durable de hausse? La question taraude les propriétaires arrivant en fin de contrat ou les futurs acquéreurs de logement.
Taux bas, le refrain est connu depuis la crise de 2008. En Suisse, pour rappel, les taux de référence de la Banque nationale sont même négatifs. Alors, lorsque l’on entend parler à nouveau de hausse des taux hypothécaires, la première réaction relève plutôt de la surprise.
Si l’ensemble des taux des emprunts de la Confédération, qui guident le coût de l’argent, a progressé, le mouvement est plus visible dans les taux à 10 ans, soit les taux longs. Ces taux sont généralement plus élevés que les taux à échéances plus rapprochées, car ils couvrent le risque pris par l’investisseur sur la durée. L’évolution des taux longs dépend principalement de trois paramètres: l’évolution attendue de l’inflation, les perspectives de croissance et l’évaluation du risque du débiteur.
Actuellement, la progression observée sur les taux longs tombe dans la dernière catégorie. Pour atténuer les effets négatifs de la propagation planétaire du coronavirus, les Etats ont grandement desserré les cordons de leurs bourses en déployant de gigantesques plans de relance. En zone euro, par exemple, le fameux 3%, soit le déficit public accordé à chaque pays par rapport à son PIB, défini comme taux maximum dans le Pacte de Stabilité, a été mis de côté. Aux Etats-Unis, le premier plan de sauvetage de l’économie dépasse 2000 milliards de dollars. La visibilité est réduite et la qualité des emprunteurs se dégrade.
Côté prix, les anticipations d’inflation s’orientent à la baisse. Une récession quasi planétaire et la chute des cours des matières premières depuis janvier vont accroître dans un premier temps les risques déflationnistes. Ce n’est donc pas cette force qui tend à tirer les taux longs vers le haut. Ni d’ailleurs les perspectives de croissance revues mondialement à la baisse.
En revanche, il est un autre phénomène qui a ponctuellement influencé le marché des taux: les appels de marge. Le récent krach boursier a tout emporté. Même les actifs réputés refuges ou défensifs commet l’or ou les obligations d’Etats solides financièrement, comme la Suisse. De nombreux investisseurs ont en effet été surpris par cette chute brutale, inattendue et soudaine. Pour couvrir leurs positions ouvertes, ils ont vendu leurs actifs les plus liquides, donc l’or ou les titres de la Confédération à 10 ans. Et sur le marché obligataire, lorsque le cours des obligations baisse, le rendement automatiquement monte.
Les appels de marge passés, un des leviers à la hausse des taux disparaît. L’environnement macroéconomique qui guide les taux longs ne laisse pas entrevoir une reprise rapide de l’inflation ou de la croissance. Les taux longs devraient montrer une certaine volatilité ces prochains mois tout en restant à un niveau bas. À plus longue échéance, est-ce que les montagnes de liquidités injectées dans les rouages de l’économie mondiale pousseront les prix à la hausse? Est-ce que les freins structurels au retour de l’inflation, accélérés par la crise de 2008 – comme la mondialisation, la digitalisation ou la démographie – sauteront en raison des spécificités de la crise sanitaire actuelle? Difficile de répondre dans l’immédiat.
Outils de politique monétaires, les taux à brève échéance aident à relancer ou à freiner la croissance. L’heure est davantage à un soutien à l’économie et donc à la baisse, comme vient de le démontrer la Réserve fédérale américaine qui a abaissé ses taux directeurs à 0,25%.
S’ils garantissent une certaine visibilité sur un budget, les taux longs demandent un engagement sur la période donnée au risque de pénalités. S’ils sont souvent meilleur marché – l’écart aujourd’hui n’est pas aussi important que le risque encouru – les taux courts exigent de la part de l’emprunteur qu’il soit en mesure de réagir rapidement à tout mouvement.
Auteurs: René-Pierre Giavina, Stratégiste en obligations et devises, BCV et David Michaud, Économiste immobilier, BCV
Pour en savoir plus sur le marché immobilier : BCV Immobilier
Pour en savoir plus sur l’environnement économique : le point de vue de Fernando Martins da Silva, directeur de la Politique d’investissement
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