Selon Dominique Genoud, «il faut casser l’image qui veut que, pour travailler avec des données, il faut être une multinationale», mais «là où les entreprises ne sont pas égales, c’est devant la génération de données.»
Comment décider dans l’incertain? La gestion des données est-elle alors la panacée? Parmi les intervenants du 26e Forum de l’économie vaudoise dont la BCV est partenaire, Dominique Genoud, professeur en informatique de gestion à la HES-SO Valais-Wallis, a posé les jalons de ce que peut apporter l’analyse des données dans la prise de décision. Pour maîtriser ce chaos d’informations, à l’expression intelligence artificielle, il préfère intelligence augmentée. Car si la machine aide à gagner en vitesse, à l’humain de garder le contrôle du processus. Rencontre en marge de la manifestation.
L’idée est toujours la même: parvenir à prévoir le futur. Un enjeu crucial pour un entrepreneur. Il veut chercher à comprendre comment son entreprise, sa clientèle, la concurrence vont évoluer. Prévoir signifie classer, séparer les données par exemple, les différencier pour essayer d’en extraire des éléments qui vont lui permettre de piloter son entreprise, d’entrevoir ce que sera demain. Le processus est riche, mais est aussi itératif: la réponse ne va pas apparaître tout de suite, mais étape après étape.
Les outils de traitement des données sont disponibles pour tout le monde. Quant aux données, elles-mêmes, une partie est publique, donc accessible à tous. Parfois, une feuille excel suffit à fournir une première analyse, à savoir si ces données servent à piloter une entreprise. Il faut casser l’image qui veut que, pour travailler avec des données, il faut être une multinationale. Là où les entreprises ne sont en revanche pas égales, c’est devant la génération de données. Selon les secteurs, elles doivent les acquérir, ce qui est plus compliqué et souvent plus cher. Ensuite, la principale barrière n’est pas tant comment l’entreprise traite ses données, mais si elle peut les numériser. Elle doit donc d’abord maîtriser le passage à la numérisation.
Twitter en est le parfait exemple. Vos tweets sont publics. Tous les mots écrits peuvent être récupérés et agrégés. L’information fournie par une seule personne à un seul endroit n’est pas forcément intéressante, mais la somme de toutes les informations en revanche l’est. Elle permet d’esquisser un paysage qui peut être utilisé dans différents domaines. Et par tout le monde.
Le mouvement est nouveau. Il est donc normal de s’y attarder. La technologie a fortement évolué. Il y a dix ans, il était par exemple impossible de stocker autant d’informations. L’analyse des données nous fournit de nouvelles aides pour prendre des décisions, mais les décisions à prendre sont toujours les mêmes et c’est toujours l’entrepreneur qui les prend. Elles amènent souvent des informations chiffrées, là où l’on avançait avant de manière plus intuitive. Ce qui ne signifie pas que les méthodes d’antan sont obsolètes au contraire, l’humain reste au cœur du processus. Ces informations sont un apport supplémentaire, pas la solution à tous les problèmes. Elles peuvent même se refermer comme un piège si l’on n’a pas suffisamment de données intéressantes. L’important est l’information contenue dans les données, pas les données elles-mêmes.
La voie prise par la révision de loi sur la protection des données sur le modèle du règlement européen entré en vigueur ce printemps une excellente chose. C’est la seule solution. La législation est d’autant plus importante que l’on parvient difficilement à limiter physiquement l’univers des données. Elle établit un cadre qui règle les rapports entre les entreprises et les possesseurs des données. Ce qui permet à tout un chacun de prendre conscience de la valeur de ces données, de la manière dont on les donne. Ce cadre permet ainsi d’avancer dans la gestion efficiente des données, en évitant les conflits, par exemple.
Le principal risque est de passer trop de temps à chercher une information qui n’existe pas. C’est un outil d’aide, pas la panacée. On le voit bien dans l’exemple d’une salle des marchés où les algorithmes sont omniprésents, où les décisions se prennent à la microseconde, il y a toujours un bouton rouge qui peut être actionné par quelqu’un qui a la vision d’ensemble de la situation. Aux côtés de la machine, il y a l’homme. Et c’est comme ça que cela fonctionne le mieux.
Propos recueillis par Anne Gaudard, rédactrice BCV
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