Pour le personnel, la vente en ligne implique une réorganisation du quotidien, de nouvelles tâches. «Une commande en ligne, c’est plus de travail: il faut la vérifier, la préparer, parfois la livrer», explique le patron du groupe, Nicolas Brönnimann.
Pour éviter de perdre toute sa production horticole face à la pandémie, le groupe Garden-Centre Jean Brönnimann a développé un site de vente en ligne en un temps record. Une nouvelle activité qui a demandé à l’entreprise de se reconfigurer à tous les échelons.
Les ventes réalisées du 15 mars au 15 juin représentent 60% à 70% du chiffre d’affaires annuel du groupe Garden-Centre Jean Brönnimann S.A., spécialisé dans l’horticulture (voir ci-dessous). Aussi, lorsque la fermeture de tous les commerces non essentiels est décrétée mi-mars, en raison de la pandémie, Nicolas Brönnimann sait qu’il manquera de liquidités et qu’il lui faudra, en urgence, trouver des solutions. Il se tourne vers la BCV, qui l’accompagne pour solliciter un prêt dans les conditions prévues par la Confédération. «Grâce à mon conseiller, j’ai pu faire la demande en un temps record. Le jour où le mécanisme était en ligne, il m’a envoyé le lien à 7 h 59, je n’ai eu qu’à remplir le document, il a été très disponible pour répondre à mes questions par téléphone. J’ai envoyé le tout à 9 heures, à 14 heures l’argent arrivait sur mon compte», explique le dirigeant.
Au départ, l’entrepreneur ne sait pas exactement quelle somme solliciter. «Nous avions droit à 10% de notre chiffre d’affaires annuel, et au maximum à CHF 500 000. Notre chiffre d’affaires se situant plutôt au-delà des CHF 8 millions, nous avons sollicité un second prêt de CHF 300 000, étant incertains sur l’ampleur de nos besoins futurs». Le premier prêt permet de payer les charges fixes. «En priorité, il nous fallait garantir le salaire des collaborateurs, ensuite continuer la chaîne des paiements avec nos fournisseurs, que nous réglons en général dans un délai d’un mois.» Le second n’est, à ce jour, pas utilisé. «Dans les faits, nous n’en avons pas eu besoin: nous l’avons immobilisé au cas où…»
Le coup de frein mis à l’activité économique pose cependant une seconde difficulté à l’entreprise. «Nous avions cultivé près de 500 000 plantes, d’une valeur de CHF 1,5 million pour la vente entre mars et mai.» Comment éviter une perte financière, sur ces produits, périssables?
Sans visibilité sur la durée de la crise, l’entreprise prend dans un premier temps des commandes de clients par téléphone. Au bout d’une dizaine de jours, «nous avons réalisé qu’il s’agissait d’un travail titanesque», conclut Nicolas Brönnimann. Une réunion d’équipe plus tard, la décision de lancer un magasin en ligne est lancée. L’idée avait été esquissée depuis un moment, sans être priorisée. Devant l’urgence de la situation, l’outil est prêt… en cinq jours. Une vitesse qui s’explique par la présence de partenaires solides, et de choix d’urgence. «Nous avons collaboré avec l’entreprise qui réalise déjà notre site web. Mais nous n’avons pas pu porter en ligne la totalité de nos produits», nuance Nicolas Brönnimann. Ce sont tout de même 800 d’entre eux qu’il faut référencer manuellement. «Un travail qui nous a occupés de jour comme de nuit. Si les frais engagés pour ce site ne se montent qu’à CHF 20 000, il faut prendre en compte les coûts cachés par l’investissement extraordinaire de toutes les personnes impliquées.» Le résultat est là: contre 50 commandes traitées par jour au téléphone, le shop en ligne permet d’en absorber près de 250. L’exploit est salué dans de nombreux médias dont la RTS. Il permet d’éviter les pertes, mais aussi d’assurer de nouvelles commandes aux fournisseurs et producteurs de plantons de légumes, salades ou tomates.
Pour le personnel, ce changement d’activité implique une réorganisation du quotidien, de nouvelles tâches. «Une commande en ligne, c’est plus de travail: il faut la vérifier, la préparer, parfois la livrer», explique le dirigeant. Toute la situation requiert beaucoup d’agilité et de réactivité de la part des équipes. «Certaines d’entre nous sont fleuristes et travaillent d’ordinaire dans des hôtels cinq étoiles. Elles se sont ainsi retrouvées à vendre des tulipes et des salades ou à prendre des commandes. La polyvalence est clé», insiste Nicolas Brönnimann. Une maxime que le dirigeant s’est appliquée directement, travaillant sans relâche et abandonnant un temps ses activités de développement commercial, pour se plonger dans l’opérationnel. Face à cet investissement sans faille, l’entreprise traverse la crise sans un seul licenciement. «Je crois que tout cela a resserré nos liens, je sens mon équipe ultra-soudée», témoigne Nicolas Brönnimann.
Le 27 avril, le Garden Centre de Noville a finalement pu rouvrir, «avec comptage à l’entrée, séparations en plexiglas, masques pour ceux qui le souhaitent, etc.». L’année 2020 ne se déroulera pas comme prévu, c’est certain. «Nous avions prévu une série d’événements, qui seront repoussés à l’automne. Nous n’avons pas pu engager des personnes de manière temporaire. Et nous devions investir dans un certain nombre de secteurs, des projets qui sont temporairement stoppés», explique Nicolas Brönnimann. Mais la catastrophe financière est évitée. «J’envisage de rembourser le prêt plus vite possible, peut-être même d’ici la fin de l’année. Nos chiffres de mai et juin devraient déterminer cette échéance.» Enfin, grâce à son nouveau site, le groupe ressort de cette pandémie doté d’un nouveau canal de vente. «Notre e-shop doit bien sûr être optimisé, son confort de navigation amélioré, tout comme sa gamme de produits. Mais je suis persuadé qu’il ne fera que se développer, et qu’il sera une ressource précieuse».
Camille Andres, rédactrice pour la BCV
PME familiale fondée en 1954, le Garden-Centre Jean Brönnimann S.A. compte une cinquantaine de collaborateurs. Il réunit diverses activités: vente directe sur ses deux sites de Noville et La Tour-de-Trême (Bulle) ainsi que vente en ligne, production de fleurs (Noville), activité de fleuriste, et paysagisme.