Les conséquences du Covid-19 sur les transmissions d'entreprise étaient au cœur d'une web conférence organisée par la BCV. Elle a réuni Raphaël Leveau (à gauche), expert en fusions-acquisitions chez Berney Associés, et Nicolas Corod, responsable des transmissions d’entreprise à la BCV. Elle était animée par Corinne Baffou, responsable de la rédaction à la BCV.
Si le moment n’est peut-être pas le plus propice pour reprendre une société ou assurer sa succession, des solutions existent pour que l’opération puisse se faire à des conditions qui satisfassent toutes les parties.
Est-ce le moment de reprendre les rênes d’une entreprise ou d’assurer sa succession? Les chiffres parlent d’eux-mêmes: depuis l’éclatement de la crise sanitaire, les demandes de financement de transmissions d’entreprise ont reculé d’environ 50%, selon certains intervenants. Mais la situation s’avère très hétérogène, diffère foncièrement d’une branche à l’autre, d’un type de vendeur ou d’investisseur à l’autre, constatent Raphaël Leveau, expert en fusions-acquisitions chez Berney Associés, et Nicolas Corod, responsable des transmissions d’entreprise à la BCV, réunis lors d’une web conférence organisée par la BCV.
Si elle a ralenti le rythme des nouvelles opérations, la crise sanitaire a aussi fortement influé sur les transactions en cours. La situation financière de la société concernée a-t-elle changé? A-t-elle dû licencier? Comment a-t-elle géré ses fournisseurs? Ses débouchés ou son approvisionnement ont-ils été bouleversés? A-t-elle adapté son modèle d’affaires? Peut-elle absorber une perte? Impossible, en outre, d’éluder la question des prêts garantis Covid-19. Si l’entreprise y a recouru, quelles en sont les conséquences? Notamment sur le degré d’endettement de la société et sur sa capacité à générer de la trésorerie.
Des réponses à ces questions découlera une réévaluation du projet. «Il incombera notamment aux parties prenantes de faire preuve d’encore plus de transparence, des suppléments d’information risquent d’être demandés en cours de transaction», souligne Raphaël Leveau. Selon les données récoltées, peut-être que la due diligence devra être approfondie, que le prix à payer pour l’entreprise sera réévalué ou rendu variable et son paiement rééchelonné. Des garanties supplémentaires ou des conditions suspensives pourraient être demandées. Avec, comme enjeu, la finalisation de la transaction et ainsi la sauvegarde d’un savoir-faire et d’emplois. «L’idée fondamentale est de créer un climat de confiance qui rassure l’investisseur et permette au vendeur de réaliser l’opération même en période de crise», résume Raphaël Leveau.
Le chapitre du prêt transitoire s’avère particulièrement sensible. «Si environ 20% des PME suisses ont demandé des prêts garantis par la Confédération, le taux de souscription parmi les PME ayant fait l’objet d’un rachat récent atteint plus de 40%», constate Nicolas Corod. L’explication tient dans la nature même des modes de financement des transactions. «L’argent emprunté ne génère pas de valeur ajoutée, consomme beaucoup de liquidités.» Ajouter un prêt à une situation déjà ankylosante pour le fonds de roulement pose ainsi un défi supplémentaire pour ces entreprises.
Autre conséquence pour les entreprises rachetées ou à racheter, le prêt Covid-19 est un frein au versement de dividendes. Or, le dividende sert souvent de pierre milliaire du financement d’une transaction par les banques. Là encore, des solutions existent, insiste Nicolas Corod. Notamment pour les entreprises ayant montré une certaine agilité, de la créativité pendant la crise. Démontrer sa capacité de résilience est un atout indéniable pour s’assurer le soutien d’un investisseur ou tout simplement pour permettre à l’opération de se concrétiser.
Créativité, agilité, les mots reviennent aussi lorsqu’il s’agit d’évoquer les négociations post-Covid. Pendant la crise, la distanciation sociale a contraint les parties prenantes à modifier leur mode opératoire. Un recours accru aux moyens de communication électroniques et moins de présentiel. «Certains éléments resteront, comme l’accélération de l’usage de solutions en ligne pour les processus de due diligence», constate Raphaël Leveau. D’autres pas. «Ces opérations sont très émotionnelles, relève Nicolas Corod, certaines phases ne peuvent se faire qu’en présence des parties prenantes. C’est notamment vrai pour la négociation de l’affaire». Et c’est d’autant plus vrai si des changements sont intervenus pendant la crise, si le vendeur et l’acheteur doivent trouver de nouveaux terrains d’entente. «Une étape a ainsi été ajoutée au processus, ajoute Raphaël Leveau, la nécessité de créer ou recréer la notion de confiance».
Mais la situation post-Covid-19 peut aussi être source de nouveaux rapprochements. Peut-être que certaines entreprises devront fusionner pour survivre, d’autres auront accumulé du cash, ou la situation dans certains secteurs demandera une consolidation. Dans un premier temps, il est possible que les transactions impliquant des investisseurs extérieurs soient plus nombreuses. Ensuite, des opérations familiales ou menées par des collaborateurs, prévues avant la crise, pourront enfin se concrétiser.
Ainsi, les transactions post-Covid-19 vont demander beaucoup de préparation, d’inventivité et de souplesse. D’où l’importance de trouver les bons interlocuteurs, de constituer une bonne équipe de gestion de projet le plus en amont possible. Et surtout, «parlez-vous», concluent les deux intervenants.
Propos recueillis par Anne Gaudard, rédactrice BCV
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