Entreprises 6 mai 2022
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«Exprimé en termes réels, le franc est resté assez stable»

Pouls de l’activité économique, l’inflation a progressé en Suisse, mais elle reste inférieure à celle enregistrée sur les principaux marchés d’exportation de l’économie suisse. Un différentiel d’inflation dont peut bénéficier une petite économie ouverte, a rappelé Andréa M. Maechler, membre de la Direction générale de la Banque nationale suisse (BNS) lors des Pros de l’Immobilier, manifestation organisé par la BCV.

«Oui, les taux longs montent, mais ils restent bas. Importants pour l’économie, les taux réels, corrigés de l’inflation, évoluent encore autour de 0%». Pour Andréa M. Maechler, membre de la Direction générale de la Banque nationale suisse (BNS), ce mouvement est le reflet d’une activité économique en reprise. Et d’évoquer «un contexte économique solide malgré les nombreuses incertitudes, dont celles liées à la guerre en Ukraine».

Les taux longs progressent en raison de l’environnement conjoncturel et des attentes d’inflation. En avril, les prix à la consommation ont progressé de 2,5% en Suisse, contre 8,4% aux États-Unis et 7,5% en Europe en mars. La pente est impressionnante. Depuis 2021, les courbes ont rejoint des hauteurs jamais revues depuis les années 1980. Qu’attendre alors pour demain? «Pour nous, l’important n’est pas tant dans le niveau d’inflation que dans la dynamique qui la soutient» a souligné Andréa M. Maechler.

Pouls de l’activité économique

L’inflation actuelle, qui n’est autre que «le pouls de l’activité économique», a pris son élan dans la forte reprise post-pandémie. Elle aurait dû se normaliser peu à peu avant que les conséquences économiques de la guerre en Ukraine n’aggravent la pression sur les prix. En Suisse, le mouvement est principalement soutenu par les prix de l’énergie et les goulets d’étranglement du commerce mondial. Il est aussi freiné par la force du franc qui atténue les coûts à l’importation, a souligné Andréa M. Maechler. Le différentiel d’inflation entre la Suisse et ses principaux marchés rend ainsi «la force du franc moins difficile à supporter pour les entreprises du pays qui voient leur marge de manœuvre à l’étranger s’accroître». Ainsi, même s’il a poursuivi son renforcement en termes nominaux, «le franc exprimé en termes réels est resté assez stable».

Risque-t-on l’emballement d’une spirale inflationniste? D’importantes inconnues – liées notamment aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine ou à l’évolution de la pandémie en Chine – brouillent la vision à moyen terme. Mais, côté emploi, si le marché du travail est tendu, les augmentations salariales en Suisse devraient avoisiner 1% cette année. Aux États-Unis, à titre de comparaison, les salaires progressent au rythme de 6%. Ainsi, a poursuivi Andréa M. Maechler, «les anticipations d’inflation en Suisse sont basses et stables».

Immobilier sous observation

Alors oui, les taux longs montent, mais «les conditions financières restent favorables», a relevé Andréa M. Maechler. Ce qui justifie la vigilance de la BNS face au marché immobilier, une attention partagée avec le Conseil fédéral, voire avec l’autorité des marchés financiers, la Finma, qui a également exprimé ses craintes récemment.

Les prix de l’immobilier en Suisse ont non seulement progressé, mais ils sont désormais surévalués de 20% à 30%, a présenté Andréa M. Maechler. La BNS relève par ailleurs une certaine vulnérabilité des ménages engagés financièrement dans l’immobilier de rendement. L’institution garante de la stabilité des prix estime ainsi que 30% des ménages ayant acquis un objet résidentiel de rendement ne pourraient couvrir par les loyers les frais induits avec des taux à 3%. Et si les taux dépassaient 5%, cette part serait de 60%. Par ailleurs, la progression du taux de vacance – qui a dépassé 1,5% sur le plan suisse – accentuerait le mouvement en cas de correction. Ceci dit, a ajouté Andréa M. Maechler, «les banques ont aujourd’hui globalement la capacité à absorber un éventuel choc grâce à leur excédent de fonds propres». La vigilance reste cependant de mise. «Notre capacité à travailler ensemble avec tous les acteurs, y compris l’Association suisse des banquiers, nous place en bonne position pour analyser les risques et les gérer», a-t-elle conclu.