En période d'inflation, le marché de l’immobilier résidentiel de rendement dispose traditionnellement d’un potentiel de résilience. Est-ce encore le cas, alors que les tensions sur l’offre progressent à nouveau?

Entreprises 13 octobre 2023

Immobilier résidentiel de rendement, un placement intéressant en période d’inflation?

Pour que l’immobilier de rendement joue son rôle dans un portefeuille en période d’inflation, deux variables sont à suivre attentivement: la réserve locative et le différentiel de rendement entre l’immeuble et le coût de la dette.

Contrairement à d’autres classes d’actifs, l’immobilier de rendement dispose d’une résilience tangible en cas de progression de l’inflation. Toutefois, pour assurer cette protection, certaines conditions sont nécessaires – et à surveiller. Il s’agit de la réserve locative et, en cas d’emprunt hypothécaire, du différentiel entre le rendement de l’immeuble et le coût des fonds étrangers. En effet, contrairement au coupon d’une obligation, le revenu locatif peut être amené à évoluer, tant lors de la rotation des locataires que sur des bases contractuelles. Après une progression substantielle de l’inflation au début de l’année 2022, 18 mois plus tard, cet aphorisme tend à être démontré.

Nouvelles tensions de l’offre

De prime abord, un contexte plus inflationniste n’incite pas à l’acquisition d’un bien de rendement. Le renchérissement s’accompagne généralement d’une appréciation du coût du crédit qui affecte le rendement sur fonds propres. À cela s’ajoute une hausse des coupons pour les nouvelles émissions sur le marché obligataire, soit une amélioration de la performance de la classe d’actifs, qui arbitre le mieux la performance immobilière.

En effet, durant les huit ans qui ont précédé 2023, années marquées par des taux négatifs, le locatif a été plébiscité par les investisseurs. Ces derniers ne devaient-ils pas payer alors pour détenir une obligation de la Confédération suisse? Cet âge d’or du locatif s’est manifesté par des rendements immobiliers en recul, faisant craindre, en cas de normalisation des taux d’intérêt, un risque de correction substantielle des prix.

Dans son dernier rapport du 31 mai 2023 sur la stabilité financière, la BNS évoque une probabilité de correction plus élevée pour les objets de rendement que pour d’autres biens. Une situation qui s’explique par le fait que l’écart entre le rendement immobilier et celui des obligations d’État s’est sensiblement atténué et se situe sous la moyenne observée au cours de la dernière décennie. L’ampleur potentielle de la correction pourrait en partie provenir du manque de liquidité des marchés immobiliers, qui réagissent tardivement aux variations des taux d’intérêt.

Est-ce à dire qu’une correction est à venir? Relevons que cette période faste pour le locatif n’a pas entraîné une production excédentaire de logements. Au contraire même, le marché résidentiel suisse affiche de nouvelles tensions. La valeur d’un bien immobilier de rendement ne se résume, en fait, qu’à la valeur actualisée de ses flux de trésorerie future. Corollaire, une variation de la performance ne peut être inhérente qu’à la variation de l’exigence de rendement ou à la variation du produit locatif. Dès lors, au vu d’un contexte plus inflationniste, si les rendements immobiliers devaient être amenés à progresser, la variation de la performance pourrait s’effectuer par une croissance du produit locatif.

Importance de la valeur locative

La législation fédérale, inscrite dans le Code des obligations, permet aux protagonistes d’adapter les baux en cours en cas de renchérissement et lors d’une variation du taux de référence hypothécaire. Ce dernier, arrondi au quart de pourcentage, n’a cessé de s’affaiblir depuis la crise financière de 2008, hormis une première hausse recensée en juin de cette année. Conséquence, les bailleurs ont pu adapter les loyers qui, contractuellement, disposaient d’un taux de référence à 1,25%. Notons que cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir puisque les taux hypothécaires actuellement négociés se situent à des niveaux supérieurs au taux de référence actuel. Toutefois, sous peine de vacance, cette adaptation n’est possible que si le loyer offert pour un objet similaire est plus élevé. Ce constat démontre l’importance de la réserve locative.

Les loyers de l'offre font référence aux logements disponibles soumis à la location. Ils sont orientés par la situation du marché

Les loyers au bénéfice d'un contrat de bail sont, eux, orientés par le droit du bail et par les travaux d'amélioration.

 

Notons que les loyers de l’offre sont principalement orientés par la situation du marché. Le droit du bail considère que, lorsqu’un marché résidentiel dispose d’un taux de vacance inférieur à 1,5%, ce dernier est affecté par une pénurie de logements. Concrètement cela se traduit en termes réels par une hausse des loyers offerts. Récemment, une analyse de Wüest Partner démontrait que le taux d’équilibre se situe à un niveau légèrement inférieur, soit à 1,3%.

Taux de vacance en recul

Dès lors qu’en est-il de la situation résidentielle sur les différents marchés? Comme évoqué, sur le plan national, après une phase de détente entre 2009 et 2020, de nouvelles tensions apparaissent. Le taux de vacance a reculé à 1,2% en juin 2023, alors qu’il se situait encore à 1,7% en juin 2020, ce qui représente une baisse substantielle de près d’un tiers des logements disponibles. Dans le canton de Vaud, les constats sont identiques, le taux de vacance publié en juin flirte avec 1,0%, soit une baisse de 40 points de base par rapport à juin 2020. Conséquence, ce changement de tendance est également visible sur les loyers de l’offre, sur une base annualisée, après huit années consécutives de baisse, les loyers de l’offre progressent à nouveau.

Encore des investissements?

Si la progression est encore timide, +0,6% entre le deuxième trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2023, elle pourrait se renforcer. En effet, bien que la production se situe à un niveau historiquement élevé, elle ne cesse de faiblir depuis 2020. Le constat a de quoi interpeller, puisque cette dernière, faiblement réactive – il faut en effet du temps pour produire des logements – dispose encore des soutiens de la période d’euphorie immobilière, période où les taux étaient négatifs. Demain, au vu des performances actuelles sur d’autres marchés, il n’est pas certain que les investissements affluent vers la production immobilière.