Le bon du Trésor américain à 10 ans est passé de 1% à 1,62%.
Avec la remontée effrénée du rendement du bon du Trésor américain à 10 ans, qui est passé de 1% début janvier à 1,62% cette semaine, les acteurs du marché obligataire commencent à placer toute leur attention sur la trajectoire de ce rendement. Si une telle tendance est confirmée, le rendement à 10 ans pourra passer la barre des 2% dans les mois à venir. L’atteinte de ce niveau signifie que l’économie est sur la voie de retrouver sa «normalité», mais cela indique aussi qu’une fois ce point passé, il sera compliqué d’interférer avec cette remontée des taux. Les investisseurs commencent à analyser les positions longues détenues, car elles seront les premières à réagir à cette remontée.
Un segment de marché qui en ressent déjà les effets est celui des marchés émergents. Pour eux, la situation a commencé à se dégrader lorsque le rendement américain à 10 ans a dépassé la barre des 1,5%. Au-dessus de ce niveau, les investisseurs étrangers ne se sentent plus suffisamment rémunérés pour le risque et commencent à rapatrier leurs fonds dans le marché local américain. Cela a pour effet de faire chuter les prix des obligations, envoyant ainsi les taux locaux dans une spirale haussière rendant les futurs investissements des entreprises et des gouvernements, tant en monnaie locale qu’en devises, beaucoup plus onéreux.
Des taux plus élevés indiquent aussi que le risque devra être mieux rémunéré. Les obligations avec des notes de crédit basses et celles dont les maturités sont très éloignées seront aussi les premières qui subiront les mouvements des marchés. Les effets seront plus importants pour les compagnies elles-mêmes, car leur refinancement pourra atteindre des niveaux qui ne seront plus soutenables pour quelques-unes d’entre elles. Pour les autres compagnies avec des notes de crédit plus élevées, ce seront surtout les investisseurs qui verront leur évaluation des portefeuilles partir à la baisse, mais cela n’augmentera pas la probabilité de défaut de l’émetteur.
Un autre marché qui sera touché sur le moyen à long terme est le marché primaire. Celui-ci est un moteur de liquidités pour les investisseurs et les taux bas ont été une aubaine pour les émetteurs jusqu’à maintenant. Mais voilà, si les taux demandés sont de plus en plus élevés, il se pourrait que certains émetteurs décident ne pas venir sur le marché. Si ce phénomène se propage, cela affecterait aussi la liquidité du marché.
Malgré tout, pour avoir une bonne compréhension de la situation dans sa globalité, il faudra prendre en compte le retour de l’inflation et les prochaines actions des banques centrales majeures, car elles seront la clé pour que le marché puisse garder une bonne liquidité et continuer à fonctionner normalement.
Publié dans le commentaire hebdomadaire "Matinale Express Marchés" de la salle des marchés de la BCV, le 16 mars 2021