Lea Sprunger: "Quand on est athlète on sait qu’on ne peut pas tenir jusqu’à 60 ans: j'ai préféré partir au meilleur de ma forme."
Fin novembre, la BCV organisait une soirée spéciale autour de la prévoyance, avec la participation exclusive de l’athlète Lea Sprunger. L’événement, qui a permis au public de poser ses questions, a offert des explications sur les enjeux de la prévoyance à tout âge, mais aussi sur ses défis actuels: temps partiel, réforme de l’AVS.
On peut prendre sa retraite à 31 ans et anticiper cela très posément. C’est ce qu’a démontré Lea Sprunger, devant un parterre d’invités de différentes générations, lors d’une soirée spéciale, organisée par la BCV en partenariat avec le magazine Générations, à Lausanne.
Après une vidéo condensant les moments clés de son ascension, ses coups durs, ses triomphes, ses échecs, la championne d’Europe du 400 mètres haies en 2018 est montée sur scène, applaudie par un public nombreux et curieux.
Interrogée par le journaliste de Générations, Blaise Willa, modérateur de l’événement, la Thurgovienne, qui a grandi dans la région de Nyon, a levé le voile sur son quotidien de sportive d’élite: jusqu’à onze entraînements par semaine, une alimentation millimétrée, des soins réguliers pour éviter les blessures, et une concentration à toute épreuve. «On vivait athlétisme, on mangeait athlétisme, on respirait athlétisme», a résumé Lea Sprunger.
Une carrière marquée par la préparation et l’anticipation, qui correspondent aussi au caractère de cette championne. «J’aime quand les choses sont cadrées et qu’il y a une vision de long terme.» Raison pour laquelle Lea Sprunger a réfléchi très tôt au jour où elle quitterait les pistes d’athlétisme – qu’elle pratique depuis l’âge de dix ans. «Quand on est athlète, on sait qu’on ne peut pas tenir jusqu’à 60 ans. Faut-il attendre des blessures pour s’en aller? J’ai préféré partir au meilleur de ma forme. J’ai besoin de savoir quand les choses commencent et quand elles s’arrêtent, car il faut un temps pour faire le deuil de toutes les belles expériences qui m’ont été données!»
C’est donc pour 2021, à 31 ans, qu’elle programme ses dernières compétitions. Un choix mûrement réfléchi, discuté avec son entourage. «Pour moi c’était clair, j’avais fait ce que j’avais à faire, et il était temps de passer à autre chose.» Un «après» que la championne a anticipé avec le même sérieux et la même rigueur que ses compétitions, «pour ne pas me retrouver prise dans le stress ou l’incertitude lors de ma dernière saison». Sa collaboration à temps partiel avec Athletissima (meeting annuel d’athlétisme à Lausanne) est ainsi prévue de longue date. Mais elle laisse aussi place à des opportunités, comme celle de reprendre des études - un MAS (Master of Advanced Studies) à l’Université de Lausanne en administration sportive et technologies - grâce à l’obtention d’une bourse.
Si Lea Sprunger a pu anticiper toutes ces étapes, elle a aussi dû être prévoyante sur le plan financier. En tant qu’indépendante, elle a longtemps cotisé uniquement au premier et au troisième pilier. Ce n’est que dans sa deuxième partie de carrière, soit aujourd’hui à 32 ans, qu’elle entame la cotisation au deuxième pilier. Et ce, à temps partiel, afin de pouvoir développer d’autres projets, dont l’outil en ligne Smove, conçu avec sa sœur Ellen, également athlète, «pour permettre aux gens de faire du sport de manière rapide et efficace».
Une situation qui peut paraître atypique, mais qui reflète bien des carrières professionnelles actuelles ou futures, a relevé Paul-Antoine Darbellay, responsable des Solutions patrimoniales à la BCV. L’expert est revenu sur les enjeux stratégiques de la prévoyance, rappelant notamment que si le système actuel de cotisations est conçu sur des journées de travail à temps plein, le temps partiel devient peu à peu la norme et concerne jusqu’à près de 40% de la population active aujourd’hui (contre 25% dans les années 1990).
«Le deuxième pilier actuel, basé sur la capitalisation, pénalise les personnes à temps partiel en raison d'un seuil d'entrée fixe. Ce seuil pourrait diminuer, il fait l’objet de discussions dans le cadre de la réforme LPP 21», a expliqué Paul-Antoine Darbellay. En attendant, pour les personnes à temps partiel, «il est important de cotiser le plus tôt possible à un troisième pilier, qui permet de compenser les lacunes des premier et deuxième piliers. Pour celles et ceux qui effectuent des carrières non linéaires, il faut profiter des moments d’aisance financière pour réaliser des rachats dans sa caisse de pensions», a conseillé le spécialiste.
«Commencez tôt», insiste donc Paul-Antoine Darbellay, face aux personnes dont les carrières sont aujourd’hui marquées par des formations longues, des reconversions ou des temps partiels. Et «appuyez-vous sur des professionnels», ajoute en substance Valérie Grivel sa collègue, responsable du Private Banking de Nyon, qui est revenue sur l’importance de la planification financière. «Outil essentiel, qui permet de faire un point précis sur sa situation et de savoir comment préparer la suite: rachats dans sa caisse de pensions, date de départ à la retraite… », a détaillé la spécialiste. Elle a notamment donné l’exemple d’un médecin en fin de carrière, qui «fatigué par ses gardes de nuit, a réalisé, à la suite d'une planification financière qu’il avait les moyens de partir en retraite anticipée». Un changement de vie et un véritable gain de sérénité. Mais pour pouvoir prendre de bonnes décisions, bénéficier d’informations concrètes et exactes reste une première étape indispensable. «Ces prévisions peuvent-elle inclure le choix d’aller en EMS? », a voulu savoir une personne présente dans le public, au cours d’une séance de questions-réponses. «Oui. Une planification permet d’anticiper l’ensemble de ses désirs et de ses besoins pour pouvoir regarder l’avenir plus sereinement», a complété l’experte.
Trois points clés pour prévoir sa retraite
Enfin, la soirée a permis d’aborder des questions très actuelles, notamment le retour de l’inflation «qui a un impact différent, pour ce qui a trait à la prévoyance, sur chacun des trois piliers», a rappelé Paul-Antoine Darbellay. Si le premier pilier n’est pas péjoré parce qu’il est automatiquement adapté au renchérissement, ce n’est pas le cas du deuxième pilier et du troisième pilier, lorsque récupéré sous forme de rente, a-t-on ainsi appris. «Les personnes qui choisissent de prendre le deuxième pilier sous forme de capital peuvent l’investir dans des actifs qui les protègent contre l’inflation: par exemple l'immobilier ou les actions, selon sa tolérance au risque», a glissé Paul-Antoine Darbellay. Mais, là encore, «on ne peut pas faire le choix de la rente ou du capital sans une analyse détaillée de sa situation personnelle», a rappelé Valérie Grivel.
Quant à la réforme AVS21, outre le fait qu’elle conduit les femmes à travailler jusqu’à 65 ans désormais, elle ouvre surtout la voie à une nouvelle tendance: une flexibilisation de l’entrée en retraite. «Il sera possible de réduire son taux d’activité entre 63 et 70 ans. On aura, par exemple, la possibilité de choisir une retraite partielle, à un taux variant de 20% à 80%. Les cotisations versées après 65 ans entreront dans le calcul des rentes, ce qui n’est pas le cas actuellement», a expliqué Paul-Antoine Darbellay.
Pour finir, les orateurs ont rappelé quelques informations clés: anticiper et planifier sa prévoyance dès son plus jeune âge, notamment en cas de carrière non linéaire. Entamer une réflexion concrète dès 50 ans, si possible avec des acteurs externes capables d’apporter des solutions neuves. Et enfin, ne pas résumer la retraite à ses dimensions financières: la vie sociale est essentielle. «On n’a pas qu’une vie professionnelle. Beaucoup d’étapes, de projets s’ouvrent après avoir tourné une page. L’après-carrière permet d’apprendre une foule de choses», a garanti Lea Sprunger, avant de rejoindre les invités et les experts autour d’un buffet, pour des échanges plus directs.
par Camille Andres, pour la BCV