Un taux d’intérêt bas est-il un mauvais signe? Le taux d’intérêt distribué chaque année est calculé à la lumière de plusieurs facteurs.
Francis Bouvier répond à un lecteur du magazine Générations.
Les caisses de pensions versent un intérêt annuel à leurs assurés, dont le plancher est fixé par la loi. En 2024, ce taux plancher a été fixé à 1,25% (1% en 2023) et les caisses de pensions sont libres de verser plus. Un taux d’intérêt bas est-il toutefois un mauvais signe ? Assurément non. Le taux d’intérêt distribué chaque année est calculé à la lumière de plusieurs facteurs qui permettent d’assurer la pérennité de l’institution de prévoyance.
Selon la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP), les institutions de prévoyance doivent offrir en tout temps la garantie qu’elles peuvent remplir leurs engagements (articles 48 et suivants). Elles doivent régler leur fonctionnement pour pouvoir fournir les prestations prévues par la LPP dès qu’elles sont exigibles, dont les rentes de vieillesse. Pour ce faire, elles peuvent adopter le mode de financement et l’organisation qui leur conviennent.
Les revenus d’une caisse de pensions proviennent des cotisations versées chaque mois par l’assuré actif (l’employé) et par son employeur. Les cotisations sont prélevées directement sur le salaire selon un certain pourcentage qui varie d’une caisse à l’autre. Un plancher est fixé par la loi à 7% pour les salariés entre 25 et 34 ans, 10% de 35 à 44 ans, 15% de 45 à 54 ans et de 18% de 55 à 65 ans. L’employeur à l’obligation d’y participer pour moitié. Il peut aussi être plus généreux.
L’ensemble de ces cotisations forme la fortune de la caisse, qui l’investit sur les marchés financiers, afin de la faire croître. Le but de la caisse n’est pas de réaliser des bénéfices, mais d’assurer les prestations futures des assurés actifs et des rentiers.
Une caisse de pensions a l’obligation de rémunérer les avoirs de prévoyance chaque année, au moins avec l’intérêt minimal, quels que soient les résultats de ses placements. Une année de rendements largement positifs, comme en 2021, ne peut pas toujours donner lieu à une augmentation de l’intérêt versé aux assurés, car elle peut être suivie par une année baissière ou négative, comme en 2022.
Dans le cas où l’institution de prévoyance obtient des rendements supérieurs à ceux qui avaient été prévus, plusieurs possibilités s’offrent à elle: la première consiste à constituer des réserves supplémentaires qui serviront à encaisser le choc des crises financières sans avoir à modifier drastiquement sa stratégie de placements, qui est basée sur du long terme. La seconde, lorsque des réserves suffisantes ont été accumulées, consiste à verser les excédents aux assurés sous différentes formes, notamment au travers d’un intérêt plus élevé sur leur avoir épargné.
La caisse de pensions a aussi l’obligation de verser les rentes à ses assurés à la retraite jusqu’à leur décès et au-delà pour les rentes de survivants (conjoint, enfants). La prestation versée est garantie et reste inchangée, quoi qu’il arrive. Les conditions de vie permettant aujourd’hui une meilleure longévité, cela peut affecter la stabilité financière d’une caisse de pensions et mettre à l’épreuve ses ressources si les conditions financières et la longévité s’écartent trop, au cours du temps, des hypothèses de calcul initiales.
Pour assurer sa pérennité, la caisse de pensions peut agir en adaptant le taux d’intérêt versé à ses assurés actifs, mais aussi le taux de conversion.
Le taux de conversion permet, sur la base du capital d’épargne constitué, de déterminer la rente annuelle de retraite. Si votre avoir de vieillesse accumulé est de 100 000 fr. à l’âge de la retraite et que le taux de conversion est de 6,0 %, vous recevrez une rente de retraite annuelle de 6 000 fr.
Quant au taux de conversion minimal fixé par la LPP, actuellement de 6,8% (seul un changement de loi peut le modifier ; le 17 mars 2023, le Parlement a adopté la réforme LPP et le taux de conversion minimal devrait passer de 6,8 à 6%, sous réserve du référendum à venir), qui s’applique sur la part dite « obligatoire » de votre capital de prévoyance, il permet de déterminer les prestations minimales légales à assurer. Votre caisse de pensions reste libre d’appliquer un taux de conversion plus bas ou plus élevé tant que les prestations assurées et versées sont supérieures aux prestations calculées selon les minimums légaux.
Le calcul du taux de conversion est influencé par deux facteurs: l’espérance de vie projetée des assurés après l’âge de la retraite et l’espérance de rendement.
L’espérance de vie provient de tables de mortalité établies à l’aide de statistiques concernant la population suisse. Elle permet d’estimer la durée de vie d’une personne après son arrivée à la retraite. Ces données étant antérieures au moment de l’arrivée réelle d’un assuré à l’âge terme, elles ne sont pas représentatives de l’espérance de vie effective de l’assuré. Le taux de conversion peut se trouver surestimé; les caisses de pension constituent des réserves au fil du temps pour y remédier.
Quant à l’espérance de rendement, elle s’applique sous la forme d’un taux dit « technique », qui estime les rendements annuels moyens futurs que la caisse de pensions pourrait, sur le long terme, raisonnablement obtenir en fonction de ses placements, avec une marge adéquate. Ce taux est déterminé par chaque caisse, en fonction de la stratégie de placement choisie (plus ou moins d’actions, par exemple) et la capacité de la caisse à assumer les risques.
Pour revenir au taux de conversion, une diminution de ce dernier résulte d’une augmentation de l’espérance de vie ou d’une anticipation de baisse des rendements futurs et, par conséquent, du taux d’intérêt technique.
Ainsi, l’intérêt annuel versé par une caisse à ses assurés n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il est le fruit d’un ensemble de paramètres permettant d’assurer la pérennité de la caisse de pensions.
Paru dans Générations en mars 2024