Le droit d’usufruit permet d’avantager son conjoint et son concubin, mais aussi de minimiser la charge fiscale en cas de succession.
L’usufruit est le droit exclusif d’utiliser un bien dont une autre personne est propriétaire et d’en percevoir les revenus. Il peut être appliqué à des dépôts titres, des droits, un patrimoine ou une habitation. Lorsqu’il s’agit des trois premiers types de biens, qui sont qualifiés de biens mobiliers, ceux-ci sont transférés au bénéficiaire de l’usufruit. Lorsqu’il s’agit d’une habitation, cas que je traiterai plus précisément dans cet article, l’usufruit est inscrit au registre foncier.
La constitution d’un usufruit en relation avec une habitation se fait entre deux personnes : l’usufruitier, d’une part, qui est la personne qui pourra habiter et profiter du logement et, d’autre part, le nu-propriétaire, qui est propriétaire de l’habitation et qui est prêt à renoncer à l’occuper. Grâce à l’inscription de l’usufruit au registre foncier, l’usufruitier est protégé dans son droit et peut continuer à occuper le logement même si le nu-propriétaire venait à le vendre à une tierce personne.
L’usufruitier dispose de l’habitation, peut l’utiliser à son gré ou percevoir des loyers s’il venait à la louer. Il a également des devoirs. Il doit conserver l’habitation en bon état, prendre à sa charge les intérêts d’une éventuelle dette hypothécaire, les primes d’assurances liées au logement et les réparations ordinaires. Il devra également payer les impôts sur le revenu et la fortune, de même que l’impôt foncier.
De son côté, le nu-propriétaire n’a pas la possession de l’habitation, mais a le droit d’en disposer, comme de la vendre, par exemple. C’est aussi lui qui doit se charger des éventuels travaux extraordinaires effectués sur celle-ci.
Le propriétaire d’un logement peut, de son vivant, ne conserver que l’usufruit de celui-ci et céder la nue-propriété à un tiers ou prévoir la mise en place de l’usufruit dans des dispositions testamentaires (cas le plus fréquent). L’usufruit s’éteint soit à l’échéance convenue, soit par la renonciation ou le décès de l’usufruitier. L’habitation est alors libérée de la charge de l’usufruit et revient alors pleinement au nu-propriétaire.
Le choix d’attribuer un usufruit par testament peut être judicieux pour :
Le choix de constituer un usufruit de son vivant sur son immeuble et de donner la nue-propriété peut être judicieux pour préparer sa succession.
L’usufruit est une des mesures qui peut être utilisée pour avantager son conjoint. L’attribution d’un usufruit sur l’habitation permet de laisser au conjoint une part plus importante du patrimoine mobilier en pleine propriété.
Lorsque le destinataire de l’usufruit est le conjoint survivant, il existe également des mesures étendues prévues par le Code civil. Ainsi, la valeur de l’usufruit peut aller au-delà des limites habituelles applicables. Cet usufruit étendu est la seule mesure qui donne au conjoint une part allant au-delà de la quotité disponible, au détriment des réserves des enfants communs.
On peut ainsi, exceptionnellement donner aux enfants (communs uniquement), leur réserve en nue propriété (au lieu de la pleine propriété). Cette limitation de leurs droits est cependant accompagnée d’une compensation (extension de leur réserve).
Réserve Part déterminée par la loi dont les héritiers réservataires (enfants, conjoint et parents) ne peuvent être privés. Quotité disponible Partie de la succession que la personne concernée peut librement transférer aux personnes de son choix. La quotité disponible varie en fonction de l'existence ou non d'héritiers réservataires, et suivant l'étendue de leur réserve. |
Lorsque chaque concubin est propriétaire d’une moitié de l’habitation, il est possible que chacun prévoie un usufruit sur l’autre moitié, au bénéfice de son concubin. Cette opération permet de protéger le concubin survivant au décès de l'autre en lui donnant la possibilité d'exercer un droit de jouissance sur l'ensemble du bien immobilier sa vie durant.
D’un point de vue fiscal, cette solution doit toutefois être analysée avec soin, car l’imposition du concubin relative à une telle disposition peut se révéler élevée.
Plus le bénéficiaire de l’usufruit est âgé, moins élevée est la valeur capitalisée de l’usufruit et donc son imposition. Ce point est important lorsque le bénéficiaire est le concubin ou une personne sans lien de parenté avec le donateur.
S’agissant de l’attribution de l’usufruit au conjoint survivant et de la nue-propriété aux enfants, par exemple, cela permet d’optimiser la charge fiscale pour les cantons qui imposent toujours les descendants. Dans toute la Suisse, le conjoint survivant est exonéré de l’impôt sur les successions. Seuls les enfants seront alors soumis à l’impôt sur les successions dans les rares cantons qui imposent les descendants, comme Neuchâtel et Vaud en Suisse romande, et ce après déduction de la valeur capitalisée de l’usufruit.
Possibilité d’attribuer à deux personnes différentes d’une part la jouissance d’un bien, d’autre part sa propriété. Ces deux personnes ont des droits distincts sur ce bien.
Usufruitier |
Nu-propriétaire |
A la possession, l’usage et la jouissance du bien immobilier soumis à usufruit |
N’a pas la possession du bien immobilier, mais le droit d’en disposer (p. ex. le vendre) |
Assume le paiement de l’impôt sur le revenu et la fortune lié au bien, ainsi que l’impôt foncier. |
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Assume l’entretien du bien |
Assume les travaux extraordinaires |
Assume les intérêts de la dette hypothécaire |
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Publié en mai 2014 dans Générations