La constitution d'un fonds de placement ISR nécessite une analyse détaillée des sociétés dans lesquelles investir.
«J’aimerais placer une partie de mes économies, mais je n’ai pas envie d’investir n’importe où, car je suis sensible à l’aspect social et environnemental. Quelles sont les possibilités de trouver des placements durables en Suisse?»
Les fonds «ISR» (pour investissements socialement responsables) sont à la mode et leur importance ne cesse de croître. Pourtant, il est encore difficile de savoir exactement ce que ce concept recouvre, car il n’existe, à ce jour, aucune nomenclature officielle ou label universellement reconnus. Le danger existe donc que, pour certains produits, la dénomination "durable", "responsable" ou "ESG" ne soit que de la communication. Il convient d'être prudent et de comprendre quels critères sont réellement appliqués.
Un fonds ISR réalise des investissements responsables et durables, c’est-à-dire qu’il privilégie les actions d’entreprises performantes sur le plan financier, tout en prêtant une attention équivalente à la mesure de critères dits ESG (pour environnemental, social et de gouvernance). Ces critères mesurent:
On distingue trois grandes catégories de placements:
a) les fonds de placement investissant dans les classes d'actifs traditionnelles (actions, obligations), mais qui intègrent une dimension ESG;
b) les fonds thématiques (investissant dans les énergies renouvelables, l’éolien, le traitement des eaux, etc.);
c) les fonds qui misent sur le développement (impact investing, micro-crédit, etc.).
Pour nous, investisseurs, les produits de la première catégorie sont généralement privilégiés, car ils offrent la diversification nécessaire. La baisse du cours des actions d’une entreprise aura un impact limité, car elle sera pondérée par l’évolution du cours de celles des autres sociétés. Par ailleurs, les fonds thématiques ou liés au développement se sont révélés historiquement beaucoup plus risqués, car plus sensibles aux aléas des marchés financiers que les fonds traditionnels.
Les fonds ISR sont variés et répondent souvent à des critères culturels locaux. Selon le Forum pour l’investissement responsable, le social est privilégié en France, l’environnement en Suisse et en Allemagne. La Grande-Bretagne mise sur la gouvernance, les Etats-Unis sur l’éthique.
L’investisseur devra déterminer quelles sont ses aspirations. L’autre point essentiel réside dans le fait que l’idéal visé en matière de responsabilité sociale doit être à la hauteur de ce qu’il est possible d’entreprendre aujourd’hui. Pratiquement aucune société ne peut se targuer d’être irréprochable sur tous les critères ESG. Toutefois, ces fonds constituent une incitation à faire mieux.
La constitution d'un fonds de placement ISR nécessite une analyse détaillée des sociétés dans lesquelles investir. Ce travail est gourmand en ressources et est généralement réalisé par des sociétés spécialisées. La profondeur et la qualité de l’analyse ESG sont ainsi bien supérieures à ce qui peut être réalisé par une équipe d’analystes interne dans un établissement financier. Ces spécialistes, au travers de méthodes sophistiquées, sont en mesure d'évaluer chacun des critères ESG pour chaque société et de leur attribuer une note pour chaque critère. Ces notes sont ensuite utilisées par le gestionnaire du fonds pour construire le portefeuille en intégrant les critères ESG.
Une autre approche consiste à utiliser des indices boursiers déjà construits sur la base de critères ESG. De cette façon, le gestionnaire a à sa disposition une palette contenant des critères ESG sur lequel il applique une gestion traditionnelle. Il existe, par exemple, l’indice Dow Jones Sustainability, qui filtre les 10% de firmes les plus durables parmi les 2500 entreprises de l’index Dow Jones Global ou encore les indices MSCI ESG Universal qui favorisent les entreprises ayant les meilleures pratiques en matière d' ESG.
L'ISR ayant trait aux questions de valeurs et celles-ci étant en général individuelles, il est très difficile de définir des règles applicables pour tous, en particulier quand il s'agit de décider quelles activités devraient être exclues du portefeuille. Doit-on exclure le tabac ou l'alcool, alors que ces activités sont légales? Doit-on exclure l'armement, alors qu'il est peut-être nécessaire à un pays (comme la Suisse) d'avoir une armée pour se défendre? Pour résoudre ces impasses, les fonds ISR privilégient d'autres approches visant à favoriser les "bons élèves" plutôt que d'exclure les "cancres". Les exclusions ne sont ainsi appliquées qu'aux cas extrêmes (par exemple les armes à sous munitions ou non conventionnelles) ou qui violent un traité international ratifié par la Suisse.
Dans le monde de la gestion institutionnelle, la thématique ESG gagne en importance. Les préoccupations environnementales et sociales sont de plus en plus détaillées dans les médias et l’opinion publique y est sensible. Les caisses de pensions ne comptent toutefois pas révolutionner leurs placements ou modifier leurs classes d’actifs, mais intégrer une dimension ESG dans la composition de leurs portefeuilles. Le fait que le concept de placement durable évolue sans cesse constitue un des principaux obstacles à leur prise en compte, mais l’effet positif sur la société et l’environnement est reconnu.
Publié dans Générations en janvier 2019